1949 – Interview de Gérard Philipe sur "La Beauté du Diable" (L’Aurore)

Avant de s’embarquer dans un Constellation pour l’Italie pour aller filmer La Beauté du diable, Gérard Philipe semble avoir fait un rapide « point presse » publicitaire, puisque plusieurs quotidiens se font l’écho de ses propos.

 

Voici l’interview qu’il a accordée à L’Aurore, parue le 14 juillet 1949. 

PARTI HIER MATIN POUR ROME,

Gérard Philipe

y incarnera tour à tour Faust et le diable dans un film

« en complet veston »

Accompagné d’une blonde et ravissante inconnue, Gérard Philipe a pris, hier matin à 10h 30 ; sur l’aérodrome d’Orly, l’avion d’Air-France à destination de Rome.

Notre jeune premier N°1 doit en effet commencer à tourner sous peu, dans un studio italien, une version cinématographique de « Faust » adaptée par Salacrou et mise en scène par René Clair.

Peu de monde au départ. De naturel timide et réservé, Gérard n’aime guère les déplacements publicitaires. Aussi s’était-il borné à prévenir quelques amis, qui vinrent lui serrer la main sur le terrain.

 Mon séjour en Italie durera trois mois, nous a-t-il déclaré. Et je ne regrette pas mes vacances perdues, puisque j’aurai la chance de travailler sous la direction de René Clair – qui n’avait plus rien tourné depuis « Le Silence est d’or ».

 Parlez-nous de votre rôle…

 Dans « La Beauté du diable » – tel est le titre du film – j’interpréterai le double rôle de Méphisto et de Faust rajeuni. Laissez-moi vous expliquer. L’action se passe de nos jours. Si bien que Clair s’est posé la question : que penserait le concierge de Faust de son rajeunissement incongru ?

 Et comment le problème a-t-il été résolu ?

 René Clair a usé d’un subterfuge. Au début du film, Faust apparaîtra sous les traits de Michel Simon, tandis que je serai le diable tentateur. Et nous nous bornerons, par la suite, par troquer nos personnages ; moi devenant Faust, Michel Simon devenant diable.

 Et Marguerite, je crois, sera la jeune Nicole Besnard.

 Nicole doit nous rejoindre dans trois jours, poursuit Gérard Philipe. Saviez-vous que, découverte par Julien Duvivier et engagée par René Clair, elle habite justement dans le septième arrondissement, entre la rue Cler et la rue Duvivier ?

 Avez-vous d’autres projets pour la rentrée ?

 J’aimerais voir porter à l’écran « Le Figurant de la Gaîté », mais il faudrait trouver une bonne adaptation, car je ne crois guère au théâtre filmé.

Sur ces mots, Gérard nous quitte. Il va téléphoner à son frère – hôtelier à Juan-les-Pins – avant l’envol. Et vérifier s’il a bien dans sa poche son porte-bonheur, un sachet contenant du sel de cuisine. C’est un cadeau de sa mère – Mme Philipe est un peu magicienne – et il paraît que c’est un talisman souverain pour les voyages en avion.

 Gérard Philipe s'embarque à Orly, en juillet 1949 (L'Aurore)

© Bibliothèque nationale de France.

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