1959 – Nécrologie de Gérard Philipe en magazine-disque (Sonorama)

Le décès de Gérard Philipe le 25 novembre 1959 occupe toutes les premières pages de la presse française, et, bien souvent, de la presse internationale. En France, dès le mois suivant, un mensuel, le « magazine sonore » Sonorama, revient à son tour sur ce décès. Avec une certaine supériorité sur la presse papier, puisque son principe fondateur lui permet de faire entendre la voix de l’acteur et comédien disparu, les « articles » du magazine se présentant sous forme de « flexi-disques » insérés entre les pages et que l’on peut écouter sur un tourne-disque ! Cet organe de presse original se situe donc entre magazine et radio… 

C’est à la comédienne et actrice Geneviève Page qu’est confié le commentaire de liaison. Elle l’aurait enregistré « le lendemain même de la mort de Gérard Philipe », si l’on en croit le magazine qui n’est pas à un élément racoleur près, puisqu’il affirme (sans preuves) que la photographie des Épiphanies incluse dans le numéro était la photo « de lui que [Gérard Philipe] préférait » et qu’il consacre une page à la douleur éprouvée par Jean Vilar.

À la mesure de l’exceptionnelle émotion suscitée par ce décès, le numéro 14 daté de décembre 1959 consacre deux disques à cet événement sur les six insérés entre les pages. On y entend :

Disque 4

Annonce du décès de Gérard Philipe dans le cinéma Le Colisée, après la projection des Liaisons dangereuses et l’hommage du public.

Texte de liaison dit par Geneviève Page abordant la personnalité du défunt, les personnages qu’il a incarnés (extraits sonores des Stances du Cid, Fanfan la Tulipe, Le Petit Prince, Les Aventures de Don Quichotte de la Manche), son inhumation à Ramatuelle, le Prince de Hombourg (extrait sonore).

Disque 5

Texte de liaison dit par Geneviève abordant la personnalité du défunt (comparaison de Gérard Philipe à l’Aiglon – d'ailleurs l'une des sources du costume de Hombourg par Léon Gischia), immortalité de Philipe qui a rejoint les « archanges foudroyés » comme Radiguet ou Mermoz), extrait de Liberté de Paul Éluard dit par G. Philipe, extrait de Notre vie de Paul Éluard dit par G. Philipe.

 

Arrangement avec les labels discographiques ou choix réellement concerté ? Le présent florilège fait la part belle à l’« héroïsme » du disparu (Rodrigue et Hombourg sont évidemment mis à l’honneur), à son esprit d’enfance (la mort du Petit Prince s’imposait, avec la permanence du souvenir), ainsi qu’à la comparaison obligée avec les figures décédées jeunes (Radiguet fait de ce fait allusion au rôle de François qui imposa Gérard Philipe comme « vedette » de l’écran). Il s’achève avec la déploration de Paul Eluard sur la mort de Nusch, et le très approprié dernier vers « Mon passé se dissout je fais place au silence », que semble ici prononcer Gérard Philipe face à l’« immortalité » si souhaitée par Hombourg… Textes et emplois semblent ainsi dresser un portrait infléchi du comédien, bâtissant déjà les fondations du mythe.

Cet hommage de Sonorama à Gérard Philipe a été réalisé par la voix de Geneviève Page, avec la participation spontanée et émue de Georges Briquet, Georges Poujouly, Jacques Fabbri, Maurice Jarre, V. Vial, J. Lasry et F. Baschet, Europe n°1, les disques Président, les disques Festival, les éditions Gallimard, les disques Véga, l'Encyclopédie sonore Hachette-Ducretet-Thomson, Paul Giannoli, P. Rosenwald, M. Ramon.

source : collection privée de l'autrice du blog