2021 - "Va, je ne te hais point !" (Printemps des Poètes 2021)

 23e Printemps des Poètes 2021_Le Désir


« Quelle profonde inquiétude, quel désir d’autre chose,

Autre chose qu’un pays, qu’un moment, qu’une vie,

Quel désir, peut-être d’autres états d’âme…

S’exclamait Fernando Pessoa sous le masque d’Álvaro de Campos. En portugais aussi, le désir nous relie aux étoiles. Tout droit tombé des astres et des regrets latins : desiderare qui vient de sidus, sideris.

Comme un ciel étincelant d’absences. Une aimantation vitale. Un souhait ancestral, jamais élucidé, jamais rassasié, jamais exaucé. »

Ainsi que le précise son site, l’édition 2021 du Printemps des Poètes avait pour thème Le désir. À cette occasion, ont été réalisés plusieurs courts-métrages de Priscilla Telmon et Mathieu Moon Saura.

L’un d’eux, Va, je ne te hais pas, intéresse particulièrement la fortune artistique de Gérard Philipe, puisqu’il s’agit d’un dialogue entre son Rodrigue et la Chimène de Marina Hands, marraine de la manifestation…

Filmé à la Grande Audience du Palais des Papes, en Avignon, cet échange théâtral post-mortem témoigne de la présence toujours aussi conquérante du Cid incarné par le comédien…


Il atteste également de l’évolution de la scansion des alexandrins et du glissement vers une incarnation moins « chantée » des vers, plus « réaliste ». En effet, ces deux interprétations se placent sous deux modes différents : l’un, ouvertement théâtral, adressé à la vaste caverne de Chaillot (3 200 places) ou à l’intimidante Cour d’honneur du Palais des Papes, la voix se projetant en un mode héroïque pour être perçue jusqu’au dernier rang ; l’autre, susurrant pour elle-même (ou pour la caméra), dans un jeu très cinématographique, ouvertement intimiste.

Ce Rodrigue et cette Chimène peuvent-ils vraiment se rencontrer ? Pas formellement.

Pas autrement que dans un songe de théâtre.

Celui-là même où semble se plonger la pensionnaire de la Comédie Française, puisqu’elle joue avec un fantôme, donne la réplique à une ombre, à un souvenir. Le héros de Corneille dit, vécu, incarné par Philipe résonne alors comme une réalité toujours vivante, transcendant le temps, tandis que, paradoxalement, c’est la comédienne de chair qui semble se fondre dans les pierres, fusionner avec l’architecture pour devenir un rêve, un murmure. S’adossant aux piliers comme si la pierre allait restituer l’écho d’une présence si prégnante en Avignon.

 

L'enregistrement utilisé est celui de L'Encyclopédie sonore - Vie du théâtre, plusieurs fois réédité. La captation en direct avait été réalisée le 22 janvier 1955 à Chaillot.

Pour ceux qu’intéresseraient une analyse de la voix théâtrale de Gérard Philipe, renvoyons-les vers les propos de Julia Gros de Gasquet, comédienne et maîtresse de conférences à l’Institut d’Études Théâtrales de la Sorbonne Nouvelle, enregistrés pour la série Entendre le théâtre de la Bibliothèque nationale de France (2020).

 

Court métrage poétique de Priscilla Telmon et Mathieu Moon Saura

Avec Gérard Philipe & Marina Hands de la Comédie-Française

Et la voix de Silvia Monfort aux premières répliques de Chimène

Dans une mise en scène du « Cid » de Pierre Corneille par Jean Vilar

Direction musicale de Maurice Jarre

Remerciements :

Anne-Marie Philipe

Olivier Philipe

Nathalie Salles

Jannick Reichert

Cécile Helle - Marianne Robert - Bruno Portet - Lise Chiaruttini Arnaud Pignol - Dominique Méjean - Jean-Christophe Guisset - Stéphane Girard

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