« (…) Gerard Philipe, in the title role, is practically on stage from start to finish. His acting is in strange contrast with that of, the other characters, who are: practically immobile. His impersonation of the crazy young Roman emperor is the only thing in the play that dusts off the wax-museum effect (…). » (traduction ci-dessous.) Voici ce que pouvait lire un professionnel du cinéma américain en 1945.
Avant le succès du Diable au Corps aux États-Unis en 1947, Gérard Philipe semble avoir été déjà repéré par Variety, le journal américain destiné principalement aux professionnels du cinéma. Le numéro du 31 octobre 1945 publie, dans la série des comptes rendus de pièces de théâtre (à Broadway, en dehors de New York et à l’étranger), un compte rendu rapide du Caligula de Camus, créé au Théâtre Hébertot en septembre 1945. Ce texte est signé « Maxi ».
En voici une traduction :
« Salué avec délectation par les critiques érudits, "Caligula" n'a aucune valeur de divertissement pour le grand public. Malgré une distribution comportant 24 acteurs, dont la plupart n'ont que des rôles secondaires, la production est de second ordre. Les costumes paraissent pauvres et les quatre actes se déroulent dans le même décor.
Gérard Philipe, dans le rôle-titre, est pratiquement sur scène du début à la fin. Son jeu contraste étrangement avec celui des autres personnages, qui sont pratiquement immobiles. Son incarnation du jeune empereur romain fou est la seule chose dans la pièce qui dépoussière cet effet "musée de cire".
Le propos de la pièce est de montrer qu'un homme qui, comme Caligula, tente de se déconnecter de ses semblables, entraîne sa propre destruction : (...)
Il y a vraiment très peu d'action mais beaucoup de discours pour décrire ce qui constitue réellement la liberté. Un effet plutôt burlesque est obtenu dans plusieurs scènes lorsque des mots modernes et quelque peu argotiques sont introduits dans le dialogue. »
Que la pièce n’ait pu réellement intéresser un chroniqueur américain plus orienté sur l’aspect purement divertissant du théâtre ne surprend pas. L’incipit de la chronique – séparant bien cette critique « intellectuelle » (donc typiquement française ?) du point de vue américain marque bien la distance nécessaire. De même, la scénographie « pauvre » (et encore soumise aux restrictions et aux rationnements, ce qui n’est pas mis en avant) ne peut plaire à des spectateurs habitués au clinquant de Broadway.
Cependant le tour de force que représente l’incarnation du rôle-titre n’a pas échappé au chroniqueur. Cette critique laudative a-t-elle joué un rôle dans l’acceptation de l’acteur pour Le Diable au Corps qui lui vaudra une première reconnaissance internationale ?
On trouve deux beaux portraits de Camus avec Gérard Philipe, pris durant une représentation et une répétition sur le site de la photothèque du photographe Bernard Rouget : ici et là.
Illustration : Caricature de Gérard Philipe parue dans Lettres Françaises du 5 octobre 1945. © Gallica-BnF.
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