1950 – Gala à l’Opéra de Paris pour "La Beauté du Diable"

affiche de La Beauté du Diable de René Clair

Le 16 mars 1950, a lieu à l’Opéra de Paris une soirée de Gala pour présenter La Beauté du Diable, en présence du Président de la République Vincent Auriol. (On peut voir ici la « montée des marche » des invités dans le grand escalier d'honneur de Garnier, captée par les Actualités de British Pathé. [VIDÉO EN LIGNE])

Détails supplémentaires, Le Monde précisait que « Ce gala sera donné au bénéfice de la Fédération nationale des plus grands invalides, et constituera la première manifestation – peut-être l'un des "clous" – de la saison de Paris. » et que le Président de la République serait accueilli par « M. Jules Romains, de l'Académie française, au nom du comité de coordination des fêtes de Paris ». (8 mars 1950).

Cette première a lieu à la grande frayeur de René Clair qui écrit à son ami Garson Karnin : « Qu’est-ce qu’ils connaissent au cinéma ? Mais surprisingly, the bastards seem to like it. » (Cité dans Pierre Billard, Le mystère René Clair, Plon, 1998.)

Mais le film reçoit un accueil très favorable. Il n’en divisera pas moins la critique qui pointe quelques faiblesses dans le scénario, des rôles féminins plus secondaires, et une fin relativement faible. Toutes critiques que René Clair lui-même reprendra à son compte, quand il publiera par la suite son scénario.

Restent la performance « hénaurme » de Michel Simon (acteur « frileux » s’il en est !) et de Gérard Philipe (sur lequel la critique est parfois divisée…)

 

en 1950, annonce du Gala de l'Opéra de Paris avec "La beauté du diable" de René Clair (avec Gérard Philipe)

L'Aurore, 9 mars 1950 (© Bibliothèque nationale de France)

 

Auparavant, un cocktail réunit les artisans du film, le « Tout-Cinéma » ainsi que quelques journalistes qui essaient de faire leur métier au milieu de cette cohue…

 

LE DOCTEUR FAUST AU MAXIM’S

« BRILLANT et bruyant cocktail, hier soir, chez Maxim’s, à l’occasion de la sortie du film, "La Beauté du diable", présenté quelques heures plus tard à l’Opéra. Atmosphère feutrée où s’alourdissent autour des sandwiches entièrement décorés à la main, les parfums des femmes. Le scotch coule comme si Peter Cheyney en personne le servait. Et tout le monde est là pépiant, papotant, grignotant, sirotant surtout devant un buffet que deux ou trois serveurs en nage s’affairent à reconstruire aussitôt détruit.

"C’est extraordinaire, dit René Clair, toujours tiré à quatre épingles et au cordeau. On n’arrive jamais, dans le budget d’un film, à obtenir ce que l’on désire pour mener à bien la production.

Mais dès qu’il s’agit de voyager en wagons-lits (seul, s’il vous plaît) ou de faire sauter les bouchons du meilleur champagne, toutes les exigences sont miraculeusement satisfaites..."

***

Marcelle Derrien — tout sourire sur un décolleté qui ne rejoint qu’à la taille ses lèvres à lui — intervient pour calmer le maître qui, d’un coup d’œil, détaille la silhouette et paraît mettre à l’élève une note au-dessus de la moyenne.

Avisons Gérard Philipe :

— Par pitié, journaliste mon frère, écris mon nom avec un seul "p". Ou bien le compte sera faux.

— Quel compte ?

— Celui des treize lettres où se réduit mon nom.

— Aimez-vous Marguerite, Docteur Faust ?

— Diablement.

— Et votre princesse ?

— Méphistophéliquement. Je ne trancherai pas.

Allez donc informer les lecteurs avec ce genre de réponses. Tant pis pour lui ! La prochaine fois, on lui demandera s’il aime les carottes crues, la couleur de son pyjama et son prénom féminin préféré. Et s’il demeure mystérieux on écrira Philipe avec deux "p".

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MICHEL SIMON, alerte et faunesque, fait une entrée très remarquée, tel le CloClo de "Jean de la Lune" qu’il interpréta si bien, engloutit une grosse de sandwiches, ce qui donne à sa diction, car il ne cesse de parler, une sonorité doublement savoureuse.

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LÀ-BAS, frétillard comme un barbet, Salacrou qui se démène comme un beau diable. Responsable au même titre que René Clair de l’adaptation, du dialogue et des découpages de "La Beauté du diable", il explique que tous les deux n’ont fait qu’une seule et même personne plusieurs semaines durant.

— Vous savez, Clair a un caractère épouvantable, mais on ne dit rien parce qu’il ne se fâche qu’à bon escient. C’est quand même terrible de vivre comme des frères siamois avec un type aussi amoureux de son métier. À Saint-Germain-en-Laye, à Superbagnères et ailleurs, nous ne nous quittions pas. Il me réveillait à quatre heures du matin pour me raconter l’idée qu’il venait de cueillir sur son oreiller. Et plus souvent encore pour tout renverser de ce que nous avions édifié l’après-midi. C’est bien simple, je l’appelais Pénélope. À côté de lui, Boileau est un peu gamin lorsqu’il conseille de ne remettre que vingt fois l’ouvrage sur le métier.

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EN strato-cumulus la fumée s’étale, s’appesantit, se love dans les verres vides. Derrière son rideau protecteur, nous nous esquivons, claudiquant, un pied sur des tas d’autres. » Jean Maury, Combat, 17 mars 1950.

 

Le Parisien Libéré rend compte de cette soirée de Gala :

 

LA BEAUTÉ DU DIABLE a ouvert hier soir à l’Opéra la grande saison de Paris

La Grande Saison de Paris 1950 est ouverte. Tout permet de la prévoir plus brillante, plus digne, plus prestigieuse gue celle de l’an dernier (…).

(…) cette Saison de Paris dont le seul nom fait s‘émerveiller le monde entier (…) s’ouvrit cette nuit sous les meilleurs auspices.

Le dernier film de René Clair, "la Beauté du diable" que les Parisiens pourront voir dès aujourd’hui, avait été choisi pour étrenner la Saison. M. Vincent Auriol (…) avait tenu à assister personnellement à ce gala. M. Jacquinot, ministre des Anciens Combattants, et M. Jules Romains l'accueillirent, ainsi que Mme Auriol, au pied de l’escalier d’honneur, magnifiquement décoré où les gardes républicains en tenue d’apparat se tenaient sabre au clair.

Le spectacle commença par la projection, vivement applaudie, des actualités du voyage présidentiel à Londres. Yves Montand chanta ensuite quelques-unes de ses meilleures chansons. Après l’entracte, qui donna loisir aux jolies femmes de se laisser admirer, M. Jules Romains présenta René Clair et Armand Salacrou à la loge présidentielle. À son tour, René Clair présenta ses interprètes : Michel Simon, Gérard Philipe, Nicole Besnard et Simone Valère, tous très émus dans l’attente de la présentation de leur film. Mais à minuit on pouvait les voir souriants et ravis, "la Beauté du diable" avait reçu bon accueil. » Le Parisien Libéré, 17 mars 1950.

 

En effet, Le Figaro précise que « le public suivit avec grand intérêt cette "tragi-comédie", cet exposé métaphysique traduit dans un langage de cinéma particulièrement ingénieux » (17 mars 1950).

 

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