1958 – Gérard Philipe répète "Lorenzaccio" à Montréal

Gérard Philipe, durant une répétition de "Lorenzaccio" à Montréal

Lors de sa tournée canadienne, le Théâtre National Populaire donne 17 soirées, 4 matinées et 2 matinées étudiantes au Théâtre Saint-Denis de Montréal, entre le 22 septembre et le 9 octobre 1958. Les pièces représentées sont : Marie Tudor, Henri IV, Le Triomphe de l'Amour, Lorenzaccio et Le Cid.

Un journaliste québécois du Petit Journal, accompagné d’un photographe, assiste à une répétition de Lorenzaccio, dont la mise en place doit s’adapter à une scène différente de celle d’Avignon et de Chaillot. C'est une des rares fois où un journaliste est admis à des répétitions : ils avaient été interdits d'accès à Chaillot, après un incident.

Il s’agit  probablement davantage d’un « filage » que d’une remise à plat de la mise en scène, mais aussi d’une répétition supplémentaire pour les interprètes qui ont repris certains rôles.

Reportage, accompagné des clichés et des légendes originelles :

 

Nous avons vu Gérard Philipe répéter Lorenzaccio

« Je suis un privilégié ! J'ai assisté à une répétition de "Lorenzaccio" : j’ai vu Gérard Philipe diriger ses comédiens pour la représentation de cette pièce. "Nous ne laissons jamais les journalistes assister aux répétitions, m'a dit M. Jean Rouvet, l’administrateur du Théâtre National Populaire : c’est une faveur toute spéciale que nous vous accordons".

J’avais beaucoup d’admiration pour Gérard Philipe !

J’en ai encore davantage depuis que je l’ai vu travailler, mercredi après-midi, sur la scène du théâtre Saint-Denis, en chemise, un texte à la main, courant sur la scène, indiquant à ses interprètes là où ils devaient être.

Quelle douceur dans la voix ! Que de gentillesse dans les commandements !

"Vous êtes prêt, Pierre", dit-il à Pierre Garin, qui personnifie Sire Maurice, dans "Lorenzaccio".

"Alors, on y va."

Et de scène en scène, on répète "Lorenzaccio".

Les personnages entrent et sortent. Gérard Philipe ne prononce pas un mot plus haut que l’autre, même si ses acteurs ont oublié une réplique ou ont fait un geste gauche.

"Ce doit être agréable de travailler avec lui ? dis-je à une des interprétes qui était assise près de moi et qui attendait le moment de monter en scène.

"Oui, car il nous laisse beaucoup de liberté dans nos attitudes et nos mouvements ; sa mise en scène n’est pas rigide : il est très consciencieux."

Consciencieux ? Gerard Philipe l’est jusque dans le bout des doigts. Il aime le théâtre : il est dévoré par le théâtre. Avec son charme naturel et son immense talent, il pourrait se contenter de gagner beaucoup d’argent au cinéma. Il pourrait mener une vie facile et dénuée de tout souci. Mais non ! C’est un passionné du théâtre !

Mercredi matin, il est descendu de l’avion d’Air-France, à 8 heures ; il arrivait de Paris. Moins de deux heures après, il était sur la scène du théâtre Saint-Denis en train de répéter.

Il aurait pu s’excuser et aller se coucher pour se reposer. Il n’en est pas question. Il y a des problèmes de mise en scène à régler et Gérard Philipe qui fait la régie (Jean Vilar préfère ce mot), veut être là.

Lorsqu’on a jouée “Lorenzaccio” à Avignon, la scène était, beaucoup plus vaste que celle du théâtre Saint-Denis

Mercredi, les répétitions se sont prolongées jusqu’à une heure du matin. Le lendemain matin, Gérard Philipe devait rencontrer les journalistes Il est arrivé en retard.

“Vous m’excuserez ? dit-il, mais c’est un coup de téléphone qui m’a réveillé. J'étais fatigué.”

Et la répétition se poursuit. Tantôt Gérard Philipe s’asseoit sur les marches qui vont à la scène ; tantôt, il s’accroupit près de la rampe ; tantôt c’est lui-même qui se mêle aux interprètes pour leur donner la réplique D'autres fois, il court sur la scène pour aller parler à un interprète qui fait quelque chose de mal. Le temps presse. Chaque minute compte. Jeudi soir, le public sera là et il voudra voir un bon spectacle. » Roland Côté, Le Petit Journal, 5 octobre 1958.

 

 

Photos de Lamoureux :

 

Accroupi près de la rampe, Gérard Philipe écoute Philipe Noiret, qui incarne le duc Alexandre, discuter avec Reynal, qui personnifie le cardinal. À gauche, c’est Daniel Sorano dans le rôle de Giomo ; il chante pour le bon plaisir du duc… et des spectateurs aussi, car cet acteur possède une fort jolie voix.

 


Gérard Philipe paraît perplexe. Que se passe-t-il ? Faut-il changer le mouvement de certains interprètes ? Ou faut-il faire disparaître une colonne ou modifier les éclairages ?

 


 « Allons, il faut reprendre cette scène », dit Gérard Philipe que l’on voit ici en compagnie du régisseur-adjoint.

 

 

« Tu comprends ? Il vient pour surprendre Lorenzaccio ! Alors… » et ainsi Gérard Philipe explique à Philipe Noiret la façon dont il veut qu’une entrée soit faite. Tantôt, c’est un conseil qu’il donne à un de ses interprètes ; tantôt, c’est une attitude ou un mouvement de scène qu’il approuve.

 

 

Gérard Philipe joue le rôle-titre. Notre photographe l’a saisi au moment où il incarnait son personnage, dans une scène.

 

 

Le voici, Gérard Philipe, guidant ses comédiens et ses comédiennes. Arrivé le matin même de Paris, il trouve la force et le courage de mener 14 heures de répétitions. Incidemment, c’est la première fois que Gérard Philipe se laisse photographier au milieu d’une répétition.

 

Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

 

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