1948 – Gérard Philipe, "meilleur acteur" aux Victoires du Cinéma Français

 Micheline Presle et Gérard Philipe jouent à cache-cache

Réponse aux Oscars américains, les Victoires du cinéma français naissent en 1946 : organisées par les magazines spécialisés Cinémonde et Le Film français, elles recueillent les votes des spectateurs (pour Cinémonde) et des directeurs de salles de cinéma (pour le magazine professionnel). À l’occasion de cette seconde édition, Micheline Presle et Gérard Philipe se voient attribuer les prix de « meilleure actrice » et « meilleur acteur » pour Le Diable au corps de Claude Autant-Lara, film et réalisateurs étant également lauréats des Victoires.

 

Gérard Philipe et Micheline Presle reçoivent leur Victoire 1947

[Légende de la photo] M. Lacoste, Ministre du Commerce et de l’Industrie, remet leur Victoire à Micheline Presle et à Gérard Philipe…

 

Cinémonde relève que le palmarès,

« à quelques différences près, exprime des goûts identiques chez les spectateurs comme chez les directeurs de salle.

Cette quasi-unanimité n’est pas sans enseignements. Elle prouve en tout cas que le public est conscient de la qualité des films, puisque son choix s’est porté sur ceux-là mêmes qui avaient enthousiasmé aussi bien les jurys des festivals que la critique, plutôt que sur des productions conçues sous le signe de la facilité dans l’intention de le flatter.

De même pour les comédiens. Ainsi cette année comme l’an dernier, les victoires n’iront pas seulement aux "vedettes préférées" : elles récompenseront les meilleurs. […] » (4 mai 198)

 

En 1948, pour les directeurs de salle, le meilleur film français est Monsieur Vincent (1 125 voix), suivi de Quai des Orfèvres (611 voix) et de Le Diable au corps (3e, avec 473 voix). La meilleure actrice française est Micheline Presle (1589 voix), et le meilleur acteur français, Pierre Fresnay (2 431 voix) suivi par Gérard Philipe (2e, avec 295 voix). Ce référendum du Film français a rassemblé 3506 suffrages.

Pour les spectateurs, le palmarès des meilleurs films s’inverse : Le Diable au Corps arrive en premier (36 013 voix) suivi de Monsieur Vincent (22 801 voix), la meilleure actrice est toujours Micheline Presle (36 919 voix) et le meilleur acteur, Gérard Philipe (27 661 voix), suivi de Pierre Fresnay (22 915 voix). Ce référendum de Cinémonde a rassemblé 141 384 suffrages.


Mi-décembre 1948, la remise des prix fait l’objet d’un gala au ministère du Commerce et de l’Industrie. C’est que ces récompenses ont également un but promotionnel et économique, pour favoriser le cinéma national…

 

Gérard Philipe, Jean Marais et des officiels (Victoires du Cinéma 1947)

[Légende de la photo] Des Victoires 1946 aux Victoires 1947 : M. Lacoste et M Fourré-Cormeray accueillent Jean Marais et Gérard Philipe, les deux plus grandes vedettes masculines françaises et en même temps deux grands amis.

 

Des vedettes françaises envahissent un ministère...

« M. Robert LACOSTE, Ministre du Commerce et de l'Industrie, a remis à Micheline PRESLE, Gérard PHILIPE, Claude AUTANT-LARA et Maurice CLOCHE les Victoires du Cinéma Français 1947 en présence de l'élite du monde cinématographique

On se rappelle la cérémonie du Louvre, au cours de laquelle Ingrid Bergman reçut il y a quelques semaines la statuette symbolique que lui décernait l’admiration unanime des spectateurs français.

C'est dans les salons du Ministère du Commerce et de l'Industrie que Micheline Presle, Pierre Fresnay, Gérard Philipe, Claude Autant-Lara et Maurice Cloche devaient recevoir la Victoire du Cinéma français que leur avait attribué pour 1947 le double referendum de "Cinémonde" et du "Film français".

[…] Cette année, c'est le ministre du Commerce et de l'Industrie lui-même, M. Robert Lacoste, de qui dépend le Centre de la Cinématographie, qui a présidé à la cérémonie des "Victoires".

Ce geste lui-même, ce geste qu’a fait M. Lacoste en tendant aux lauréats la marque de leur triomphe m’est-il pas un symbole ? Mieux qu’un symbole : une preuve, La preuve que le Gouvernement s’intéresse au cinéma français. Donner des récompenses à ceux qui font le cinéma français était sans doute, dans l’esprit du ministre, lié à cet autre geste qu'il doit faire ces jours-ci en signant la circulaire d'application qui accordera une aide substantielle à notre production.

Car les problèmes sont liés. La remise des "Victoires" est le côté spectaculaire d’une action ministérielle sans laquelle le Cinéma français connaîtrait demain les pires difficultés.

L'aide à la production commence par la mise à l’honneur de la production.

Micheline Presle, Gérard Philipe, Claude Autant : "Le Diable au Corps".

Pierre Fresnay et Maurice Cloche : "Monsieur Vincent".

Deux films qui, dans le monde entier, affirment depuis un an le prestige du Cinéma français.

C’est un message reçu d’une capitale lointaine et qui donne les résultats d’exploitation de "M. Vincent" !

C’est un producteur rentrant d’un voyage en Amérique du Sud et qui dit à Autant-Lara : "Mon cher, j’ai vu votre nom partout. À chaque fois que j’arrivais dans un pays, on y donnait la première représentation de votre film... "

Ces films, pour si opposés que soient leurs esthétiques, leurs inspirations, leurs buts, sont en eux-mêmes des messages que notre pays a envoyés au monde. Leur diversité de ton et l’unité de leur qualité sont à l’image de ce pays divers et unique, qui les a faits.

Il était bon que les gens de ce pays-là officialisent le message, qu’ils lui donnent sa garantie. Voilà ce que représente le referendum de "Cinémonde" et du "Film français" : les dizaines de milliers de lecteurs qui y ont participé, habitués ou exploitants des salles obscures, eux qui constituent la famille la plus éclairée du Cinéma français, ont approuvé "Le Diable au corps" et "Monsieur Vincent", et magnifié ceux qui les ont faits.

[…] Évidemment les photographes s’en donnèrent à cœur joie. Il y eut même un instant d'émotion. Avant que le ministre prononce son allocution et remette les Victoires à leurs détenteurs, on voulut prendre un cliché de Micheline Presle et de Gérard Philipe ensemble. Mais ils étaient introuvables. On les découvrit finalement, caché derrière la table où étaient exposées les statuettes. […] » (Cinémonde, 27 décembre 1948)

 

 

Micheline Presle trinquant avec Gérard Philipe

[Légende de la photo] Micheline Presle et Gérard Philipe ont joué à cache-cache avec les Victoires. Le couple inoubliable du "Diable au corps" but ensuite à son premier triomphe, en pensant peut-être que "Tous les chemins mènent à Rome" leur donnera par la gaieté les mêmes joies qu'ils connurent par le drame. (Reportage Rivoire.) 

 

 

Micheline Presle, Gérard Philipe et Orson Welles (Combat, 16 décembre 1948)

Micheline Presle, Gérard Philipe et Orson Welles, également présent.

(Photographie publiée dans Combat, 16 décembre 1948)

 

Gérard Philipe sera systématiquement couronné par ces Victoires entre 1952 et 1955, à tel point qu’il ne pourra plus concourir à partir de l’année suivante…

 

Illustrations : © Bibliothèque nationale de France – Gallica

 

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