Pour filmer l’adaptation du roman de Radiguet Le Diable au corps, Claude Autant-Lara fait construire une reconstitution d’un bout de Nogent-sur-Marne en studio. Travail titanesque et d’un trompe-l’œil qui suscite l’admiration, tant pour l’effet de réel produit que par le travail accompli par les ouvriers du studio.
Pour mettre en valeur de travail remarquable, en novembre 1946 on dévoile la plaque de la rue principale de ce grand décor, rue baptisée aussi « Le Diable au Corps ». Cette occasion festive est aussi le prétexte à une opération de communication, puisque la presse est conviée et que des reportages et des photos sont rapidement diffusées dans les journaux…
La photo la plus diffusée montre la marraine de la rue, la vedette Micheline Presle, juchée sur une échelle en train de dévoiler la plaque…
Micheline Presle inaugure la rue du Diable au Corps
« Aux studios de Boulogne sur Seine, une manifestation de camaraderie a eu lieu entre les principaux interprètes et les équipes d’ouvriers qui, pour le film le Diable au Corps, mis en scène par Claude Autant-Lara, ont reconstruit le petit village de Nogent-sur-Marne à l’époque de la guerre 1914-1918. Cette reconstitution est capable de soutenir la comparaison avec les plus belles réussites d'Hollywood. Un vin d’honneur, qui a réuni les ouvriers et la presse, a été servi par Micheline Presle et Gérard Philippe (sic). Il a été également procédé à l’inauguration des rues et, en particulier, de la rue principale qui, pour la circonstance, a été baptisée "rue du Diable au Corps", du nom du film.
La plaque avait été recouverte d’un voile fixé par des clous, des punaises s’étant révélées insuffisantes. Mais le voile tenait si bien que Micheline Presle, à qui revenait l’honneur de l’inauguration, se vit dans l’obligation de se débarrasser de son manteau de fourrure et d’appeler Gérard Philippe (sic) à l’aide, afin de maintenir solidement le pied de I ’échelle sur laquelle elle était montée. » (Ciné-Miroir, 29 novembre 1946.)
Une série de photographies est également diffusée par La France libre dans le numéro du 24 novembre 1946 :
Légende : Il n’est pas fréquent qu’une rue porte le nom d’un film. La rue du Diable au Corps a été ouverte au public, pour la durée d’une prise de vue, par Micheline Presles qui, montée sur une échelle, à découvert, comme le veut la coutume, la première plaque.
Légende : Nogent-sur-Marne a
été reconstitué en studio d’une façon comparable aux plus belles réalisations d’Hollywood.
Pour marquer cette réussite, un vin d’honneur a été servi aux ouvriers, à la
terrasse d’un des cafés, par Micheline Presles elle-même. [On voit, avec ces légendes que les reportages se fondent sur des éléments de langage donnés par les publicistes des studios...]
Légende : Gérard Philippe (sic), qui partage la première place dans l’interprétation du Diable au Corps avec Micheline Presles (sic), répond à l’interrogatoire habituel devant le micro de la speakerine Lola Robert.
Légende : Le producteur Paul Graetz est venu des Etats-Unis pour mettre en chantier une série de films 100% français. Le Diable au Corps est le premier de ces films. C’est aussi la première fois, depuis la guerre, qu’une compagnie américaine « Universal Picture » tourne un film dans notre pays. Claude Autant-Lara en est le metteur en scène.
De son côté, un journaliste de l’Humanité publie un petit reportage sur le tournage (illustré, une fois encore, par Micheline Presle sur son échelle), puisque les caméras ne s’arrêtent pas pour autant durant cette journée.
Alerte aux Studios de Billancourt - Le Diable Au Corps
« 1917. Le hall d’un hôpital militaire ; chaises longues, tables de jardin. Des blessés, tête, jambes emmaillotées ou bras en écharpe, se reposent ou lisent.
Soudain, coup de klaxon prolongé ; un infirmier entre précipitamment : "Alerte !... Alerte ! Vite aux abris. "
Les "poilus" se lèvent péniblement ; des infirmiers accourent pour les soutenir ; du premier étage, c[l]opin-clopant, d’autres blessés commencent à descendre.
"Coupez ! C’est trop lent, beaucoup trop lent. Vous êtes éclopés, vous n’êtes pas morts... Recommençons. "
Après ce petit coup de g..., Claude Autant-Lara, le metteur en scène de Diable au corps, retourne se poster près de la caméra.
On recommence. Cela va mieux.
Les figurants ont maintenant compris qu'il ne leur faut pas se mouvoir lentement, mais se "hâter avec lenteur" ; toute l’idée de danger tient dans cette nuance. Pourtant, nouvelle explosion. Cette fois, c’est l’éclairage qui ne va pas.
— Ce matériel ! Ce matériel ! Ce n’est pas de la mise en scène que je fais, c’est du bricolage..., soupire Autant-Lara.
Mme Autant-Lara, sa femme et aussi son assistante, me confie :
— Claude est énervé. Il y a souvent de quoi, vous savez. Notre équipement est vétuste, nos studios trop petits. Ce n’est qu’à force d’ingéniosité, en réalisant de petits miracles quotidiens que nous réussissons à tourner. Je dois dire qu’ici, comme sur le terrain de Boulogne ou aux studios de Neuilly, en travail de nuit, l’effort, le dévouement de nos équipes d’ouvriers ont été admirables. Sans eux...
Cet hommage rendu aux techniciens obscurs du cinéma m’a fait quitter Billancourt, ce jour-là, sans trop regretter de n'y avoir pas rencontré Micheline Presles et Gérard Philippe (sic), les vedettes. » (Pierre Albin, L’Humanité, 11 décembre 1946.)
Illustrations : Photo en tête de ce billet ; © DR, fil Twitter de Th. Barnaudt – photo de Ciné-Miroir – La France Libre © Gallica-BnF.
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