2022 - Une novella d’Anne Secret : "Petite Plage" (‎In8)

Anne Secret, "Petite Plage"
 

Anne Secret, Petite Plage, éditions In8 (2022), 88 pages (8,90 €)

Quatrième de couverture :

En 1948, Yves Allégret tourne à Barneville, dans la Manche, un film intitulé Une si jolie petite plage avec Gérard Philipe et Madeleine Robinson.

Quarante ans plus tard, Alicia, la narratrice, vient se reposer dans la même ville et fait la connaissance de Vincent, un homme jeune qui recherche l’hôtel où le film fut tourné car son grand-père y trouva la mort. Cette quête filiale se dramatise brusquement et renvoie aux règlements de comptes liés à l’après-guerre.


Longues plages de sable et mystères lointainement enfouis, voici l’alliage intriguant proposé par Anne Secret. Il se dévoile peu à peu en divers échos : celui de la quête de Vincent, acharné à découvrir les dessous d’un secret familial dont ne subsistent que quelques signes épars ; celui d’Alicia, venue vendre la villa de son ami Jo ; celui du tournage de Une si jolie petite plage, film noir d’Yves Allégret sur un scénario de Jacques Sigurd et dont la vedette masculine n’était autre que Gérard Philipe dans un de ses tous meilleurs rôles à l’écran.

Toutes ces bribes de vies s’entremêlent dans les années 1980 à Barneville-Carteret, station balnéaire de la Manche, lieu mis en pause par l’occupant allemand (car faisant partie du dispositif de défense côtière). Mais les années 1940 et l’immédiat après-guerre n’en ont pas moins leur importance…

 

"Une si jolie petite plage" d'Yves Allégret avec Gérard Philipe

D’une écriture précise et acérée, Anne Secret burine cet entrelacs, laissant la part belle aux silences et à la quotidienneté des choses. La tension s’y glisse sourdement, faisant résonner les réminiscences entre film et réel fictionnel, hasards et ébauches. Car la vie est parfois impitoyable, bien que les êtres se lient spontanément, durablement. Et le fantôme de « la star masculine de l’époque, […] coiffée d’un chapeau qui ne lui va pas » flotte sur ces tragédies en plusieurs temps ; bien qu’il ne fasse que passer prestement, son personnage filmé par le grand opérateur Henri Alekan imprègne les lieux de son irrémédiable guignon.

Cette même cinématographie – noirs et blancs accentués, lumière fallacieuse, ombres creusées, profondeur de champ – imprègne la prose d’Anne Secret, tissant sa toile, enveloppant ces personnages qu’on distingue d’autant mieux qu’on les devine, par une frémissante empathie.

Les cinéphiles sauront immédiatement où la fiction se glisse dans le réel ; il n’est donc pas besoin d’y revenir. Mais cette novella témoigne de la force toujours vive d’un chef-d’œuvre du cinéma promu à toutes forces par Philipe, dont la construction subtile et solide éblouit toujours. Laissant au spectateur le soin de tisser les réverbérations d’un passé qui refoule sur le présent.

Comme ce très beau texte.

On trouvera des éléments d’époque sur le tournage de Une si jolie petite plage dans ces billets de blog.

 Emmanuelle Pesqué

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