1953 – Gérard Philipe et le cinéma (brève interview)

Gérard Philipe par Sam Lévin (sans date) © Médiathèque du patrimoine et de la photographie
En février 1953, le magazine Pour vous Madame interviewait plusieurs vedettes de cinéma sur leur métier, mais souhaitait se démarquer des interviews habituelles. Il expliquait donc que :

« Nous avons décidé de vous parler de cinéma en vous faisant passer de l’autre côté de l’écran et en demandant à [des] vedettes que vous aimez de vous parler d’elles. Nous avons choisi quatre questions pas trop indiscrètes. Nous avons évité soigneusement l’interview classique et stupide genre : "Mlle X.., nous a reçus dans son magnifique appartement dont la terrasse domine tout Paris. Elle était vêtue d’un délicieux déshabillé de soie rose et, pelotonnée sur un divan, le regard lointain, comme perdu, elle a bien voulu nous confier qu’elle adorait faire la cuisine, que l'amour était un jeu cruel, qu’elle ne buvait jamais d’alcool et ne se démaquillait qu’avec du lait cru..."

Vous connaissez ce genre de littérature. Nous n’y avons peut-être pas réussi, mais nous avons essayé de vous présenter ces […] acteurs, non pas tellement comme des vedettes mais comme des comédiens passionnés de leur métier et c’est de lui que nous avons voulu les faire parler. Nous les remercions de leur très grande gentillesse, de leur simplicité et de leur franchise. »

 

Sollicité, Gérard Philipe répondait brièvement, en insistant davantage sur les projets du Théâtre National Populaire que sur ses projets cinématographiques :

« — COMMENT ÊTES -VOUS VENU AU CINÉMA ?

J'y suis venu par hasard. J'y suis resté par goût. Je n’avais pas, en effet, intention de devenir comédien. Lorsque, vers dix-neuf ans, ayant dit un poème dans une réunion organisée par la Croix Rouge, je fus poussé par mes camarades à persister dans la voie dramatique. Un hasard me fit rencontrer Marc Allégret, à qui je posai tout de go la question : Comment peut-on faire du cinéma ? Il m’apprit qu'il fallait travailler. Étonné, j’entrai dans un cours de comédie à Nice, sous les auspices du Centre du Cinéma.

Puis j’allai chez Jean Wall qui tenait un cours à Cannes. Et c’est bien en forgeant... [qu’on devient forgeron]

DE TOUT VOS FILMS, LEQUEL PRÉFÈREZ-VOUS ? POURQUOI ?

Toujours le dernier.

QUELS SONT VOS PROJETS ?

Je suis attaché au destin du Théâtre National Populaire, tant qu'il sera dirigé par Jean Vilar. Je le suivrai s’il s’en va.

Nos projets actuels sont de reprendre les pièces du répertoire de l’année dernière : "Le Cid", "La Mère Courage", "Le Prince de Hombourg", "L’Avare", "Nucléa", puis de créer la nouvelle "Mandragore", de Jean Vauthier, jeune auteur qui a donné l'an dernier "Capitaine Bada" à Paris. C'est une farce aux profondeurs élisabéthaines que Jean Vilar m’a demandé de mettre en scène, Enfin, "Meurtre dans la cathédrale", de Thomas Eliot, dont Jean Vilar dirigera la réalisation.

Il montera de même "Les Fourberies de Scapin", puis "Richard II" que nous irons jouer à Londres, lors du couronnement de la reine d’Angleterre, sous l'égide de l’"Old Vic"…

Je remonterai aussi "Lorenzaccio", d’Alfred de Musset.

Entre temps, je tournerai un film au Mexique, sous la direction de Luis Bunuel, et un film en Allemagne : "La Légende de Till Eulenspiegel".

QUEL EST VOTRE IDÉAL DE VIE ?

Le travail. » (Pour vous Madame, février 1953.)

 

Gérard Philipe part tourner Les Orgueilleux, réalisé par Marc Allégret (et non Buñuel), le 1er avril 1953. Il ne parviendra à réaliser Till l’Espiègle (qui lui tient tant à cœur) qu’en février 1956…

Pour ce qui est de ses projets au T.N.P. :

La Nouvelle Mandragore, de Jean Vauthier, est créée le 20 décembre 1952 à Chaillot : c’est un échec cuisant.

La première représentation parisienne de Lorenzaccio a lieu le 28 février 1952, la pièce avait été créée à Avignon. Immense succès…

Gérard Philipe succède à Jean Vilar dans le rôle-titre de Richard II, de Shakespeare, le 2 février 1954. (Voir ce billet de blog.)

En juin 1953, le T.N.P. sera en tournée en Allemagne et non en Angleterre…

 

Illustration : portrait de Gérard Philipe par Sam Lévin (sans date) © Médiathèque du patrimoine et de la photogrraphie

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