1955 –"Les Grandes Manœuvres" : Gérard Philipe tourne, Jacques François se souvient

"Les Grandes Manoeuvres", avec Gérard Philipe

L’acteur Jacques François, qui fut brièvement le condisciple de Gérard Philipe au Conservatoire d’Art dramatique de Paris, évoquait le tournage des Grandes Manœuvres dans son livre de souvenirs.

Malgré la rigueur de René Clair et un plan de tournage serré, le tournage semble avoir été assez gai… Il avait débuté en avril 1955.

« Pour la première fois depuis que [j’étais acteur], le cinéma […] fit appel à moi dans des conditions exceptionnelles. D'abord, le demandeur était René Clair, également co-auteur du scénario, et j'allais être le partenaire discret mais enthousiaste de Michèle Morgan et de Gérard Philipe. La distribution des Grandes Manœuvres, si l'on veut bien me mettre à part, était extrêmement brillante.

Les prises de vue se déroulèrent avec précision et j’éprouvais un bonheur et le sentiment rare de participer à une œuvre importante.

René Clair n'était certes pas quelqu'un de "chahutable", mais il avait un sens de l'humour très aigu, une ironie cinglante mêlée à une affabilité exquise. Il usait de l’un ou des autres avec un à-propos extraordinaire. Gérard Philipe, Yves Robert, Jacques Fabbri, Jacqueline Maillan, Brigitte Bardot, Lise Delamare et moi-même ne mîmes que quelques jours à former une petite bande d'un entrain vertigineux. Seule, Michèle Morgan n'en faisait pas partie. Ses responsabilités et son sérieux l'en éloignaient. Nous, nous étions des jeunes gens difficiles à tenir en laisse. Gérard Philipe et Yves Robert avaient adopté, entre les prises de vues, l'accent des gendarmes bourguignons. Brigitte Bardot ne pouvait tourner qu'après avoir entendu un concerto de Mozart et Jacqueline Maillan donnait des aperçus nombreux de ce qui allait faire sa gloire. […]

Un […] jour, j'arrivai en retard au studio de Billancourt. Je me précipitai à la salle de maquillage déjà occupée et dis, avec ma maladresse habituelle, à une jeune femme qu'on commençait à maquiller :

— Excusez-moi, madame, je suis en retard et je suis du premier plan. Seriez-vous assez aimable pour me céder votre place ?

À quoi elle répondit gracieusement :

— Je suis, moi aussi, un peu en retard, je suis, moi aussi, du premier plan et vous ne m'avez pas reconnue, cher Jacques, mais je m'appelle Michèle Morgan.

Cette histoire plut beaucoup à Gérard Philipe. Je passai d'innombrables heures à m'entraîner avec lui à l'escrime pour un duel qui fut, bien entendu, coupé au montage ! Nous avons failli y laisser l’un et l’autre au moins un œil ! » (Jacques François, Rappels, Paris, Michel Lafon, 1992, p 143-144.)

 

Illustration : photo © DR.

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