1948 – Gérard Philipe fait la démonstration de vacances estivales "idéales" à Paris !

 Gérard Philipe debout devant un feu rouge

Vous ne pouvez pas quitter Paris en été ! Pas de panique, Gérard Philipe – poussé par la rédaction de Cinémonde, va vous démontrer, photos à l’appui, qu’il ne faut pas regretter la mer bleue, les phares et le sable chaud. (Ou peut-être pas.)

 

« [Paris] …un Français, Gérard Philipe, y passe ses vacances

"Depuis quatre ans, dit Gérard Philipe, je n'ai pas pris de vacances. Parce que je ne considère pas comme des vacances les extérieurs de “ Une si jolie petite Plage ”. D'abord, il n'a pas arrêté de pleuvoir et, ensuite, je n'ai pas arrêté de travailler." Alors, nous avons voulu faire croire au futur M. Pégase que l'on pouvait ' très bien prendre à Paris les distractions que les gens prennent habituellement à Biarritz ou à Monte-Carlo. Mais afin que cette démonstration soit convaincante, il fallait joindre la pratique à la théorie pour que la suggestion fasse son plein effet. Cependant, ni Gérard Philipe, ni le photographe, ni nous n'avons été convaincus.

Pourtant, nous nous sommes évertués à créer l'ambiance favorable, comme disent les metteurs en scène.

 

BAINS DE SOLEIL

En août, sur n'importe quelle plage respectable, il y a beaucoup trop de monde. Si vous pouvez arriver à installer votre chaise-longue, nous vous offrons un cyclo-rameur. Par contre, dans n'importe quelle rue parisienne, excepté les Champs-Élysées et l'avenue de l'Opéra, personne n'aura l'idée de passer de longues heures à se faire rôtir au soleil au beau milieu de la rue. Mais l’expérience se révèle dangereuse. Nous n'avions pas pensé à la circulation : tout est à refaire.

 

Gérard Philipe, allongé dans un canapé au milieu d'une rue parisienne

BAIN

Quand on veut se baigner sur une plage, la mer est démontée, le vent glacial et il tombe une petite pluie qui vous transperce. Vous ne manquez pas le rhume à la sortie. A Paris, rien que des avantages : les salles de bains sont généralement couvertes et l'eau, pour peu que le gaz fonctionne, d'une température agréable et peu dangereuse pour la santé.

 

Gérard Philipe, en peignoir, au bord de sa baignoire

PÊCHE

Dans ces conditions, c'est le sport idéal ; vous ne craignez ni les traîtrises de la température, ni le mal de mer. Et quand les mystères de la pêche sous-marine font place aux plaisirs de la pêche souterraine, la performance devient vraiment intéressante. Pour la modique somme de cinq francs, vous risquez d'attraper les monstres les plus redoutables, les plus rares.

 

Gérard Philipe pêche à la ligne sur un quai du métro

VISITE DE PHARE

Chaque année, des régiments de touristes en blanc visitent les phares et se font expliquer le maniement des lentilles. Le moindre de ces déplacements coûte au moins cent francs, sans compter le pourboire. Vous pouvez observer de très près des phares à trois feux : vert, jaune, rouge, au coin de la rue Pierre-Charron et de la rue François-ler, par exemple. Vous voyez aussi venir les voitures qui cherchent méchamment à vous écraser, ce qui ajoute au charme de la chose.

Gérard Philipe, debout sur un plot de feux de circulation, regarde l'horizon

Malgré les raffinements que nous avons introduits dans cette mise en valeur touristique de Paris, Gérard Philipe nous a dit que nous nous étions peut-être bien amusés, mais que lui n'avait pas trouvé cela drôle. Offrez donc des vacances aux vedettes ! »

 

Lorsqu’il se prête à ce reportage loufoque, Gérard Philipe a terminé de tourner Une si jolie petite plage, d’Yves Allégret, sur un scénario de son ami Jacques Sigurd ; il s’apprête à tourner Tous les chemins mènent à Rome…, de Jean Boyer, toujours sur un scénario de Jacques Sigurd. Mais, entre-temps, il s’accorde tout de même « un bon mois de détente » en août 1948… ce qu’il ne révèle évidemment pas aux journalistes…

Doit-on voir dans cette pochade photographique une manière pour Gérard Philipe de « casser son image » de « romantique triste » et de préparer ses admirateurs et admiratrices à un tout autre emploi cinématographique ? Monsieur Pégase, géomètre (l’ancien titre du film de Boyer) est un doux rêveur gaffeur et non un amant torturé et malheureux.

 

Textes et photographies tirées de Cinémonde (7 septembre 1948, n°736), Bibliothèque nationale de France.

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