1951 – De Fanfan au Cid, il n’y a qu’un taxi à prendre…

Le 22 décembre, un journaliste de La Vie Ouvrière parvient à passer « 3 minutes avec Gérard Philipe », au débotté, tandis que ce dernier ôte son costume de Fanfan avant de bondir pour rejoindre en hâte le Théâtre National Populaire qui part en tournée…

 

L' acteur Gérard Philipe se démaquille dans sa loge
                                                                                 © Bibliothèque nationale de France.

« Je m’excuse, mais j'ai juste trois minutes à vous donner pendant que je me démaquille. Un taxi m'attend pour me mener à la gare Saint-Lazare, car je dois attraper le train de Caen, où nous jouons ce soir.

En sueur, et venant de terminer une scène du film « Fanfan la Tulipe », qu’il tourne à Boulogne-Billancourt, Gérard Philipe me précède dans sa loge.

— Quels enseignements avez-vous tiré en jouant avec la troupe de Jean Vilar, directeur du Théâtre National Populaire ?

— D'abord, que le public, et le public populaire en particulier, aime le théâtre et l’art du spectacle, en général. Ensuite, que ce même public a des goûts bien moins vulgaires que certains directeurs de théâtre... ou autres, ne voudraient le faire croire.

— Et vous, en tant qu’acteur, qu'avez-vous tiré de cette décentralisation théâtrale et de ces discussions directes avec un public nouveau ?

— Un enrichissement certain. Des conseils et des critiques qui m’ont permis de m’améliorer... du moins je l'espère. En réalité, je dois dire que j'ai trouvé là la formule théâtrale que je désirais. Vilar donne à mon sens, son véritable but au théâtre. Par le prix relativement peu élevé des places, par la décentralisation avec nos tournées en banlieue, et bientôt en province, il permet au théâtre de jouer son véritable rôle par un élargissement considérable du public...

— Prêt, Gérard ? La voiture attend ! interrompit quelqu'un...

— Une minute... me voilà !

Il me jeta un regard navré.

— Un mot encore, vos projets ?

— Un film avec René Clair, en avril, tout en continuant avec Jean Vilar. Nous allons monter bientôt « Le Prince de Hombourg », puis une pièce de Henry Pichet (sic) et aussi « Roméo et Juliette »…

— Gérard… le train n’attend pas….

Un dernier signe amical de la main et le taxi emmena Gerard Philipe vers la gare Saint-Lazare… » Pierre D., La Vie Ouvrière, 26 décembre 1951.

 

On retrouve dans cette interview le souci du public populaire de Philipe, qui poussera ultérieurement Jean Vilar à lui écrire en 1954 : « Tu n’es pas pour moi que Hombourg, ou Rodrigue, ou Lorenzo. Tu es le seul comédien de la génération d’après-guerre qui ait compris sentimentalement le problème populaire. Car c’est ainsi, sentimentalement, qu’il faut le traiter, ce théâtre populaire. »

Gérard Philipe débutera le tournage de Belles de Nuit de René Clair le 1er avril 1952.

Le Prince de Hombourg, créé en Avignon en 1951, est repris dès le 22 février 1952 au Théâtre des Champs Élysées, puisque le Palais de Chaillot est encore occupé par l’ONU, et ne sera libéré qu’en avril 1952.

La pièce de « Pichet » est évidemment Nucléa de Henri Pichette, qui sera représentée le 3 mai 1952 au Palais de Chaillot.

Le projet de Roméo et Juliette de Shakespeare ne se concrétisera pas, bien que, selon Vilar, « Chimène et Rodrigue errent dans le carreau abstrait du tréteau comme Roméo et Juliette dans Vérone ». 

Source : Bibliothèque nationale de France.

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