1948 – Gérard Philipe (ne) tourne (pas) "Tous les chemins mènent à Rome" (2)

 

On connaît le dicton : « quand le chat n’est pas là, les souris dansent ». Ou du moins, s'envolent !

Voilà comment, au milieu du tournage de Tous les chemins mènent à Rome, « passager clandestin, Gérard Philipe profite d’un rhume de Jean Boyer pour survoler l’Amérique ».

Impossibilité géographique, pensez-vous ? Pas forcément…

Comme le prouve le reportage de Maud Max-Linder (la future réalisatrice et fille de…), paru dans Cinémonde le 2 novembre 1948 :

 

« JEAN Boyer est aujourd’hui malade... L’équipe de "Tous les chemins mènent à Rome" est libre : sans metteur en scène que pourrait-on faire ? c’est un bateau sans gouvernail. En allant à Monte-Carlo, vous risquez de trouver Micheline Presle montrant à Bill Marshall le pittoresque de la principauté. Marion Delbo, elle, se repose, anéantie par ses émotions de la veille. Pensez donc, le fougueux Pégase (Gérard Philipe) croyant qu'elle en voulait à la chère vie de la star qu’il protège (Micheline Presle) l’a réduite au silence à coup de... nouilles !

"Et je vous assure que recevoir plusieurs platrées de macaroni sur le tromblon c’est tuant !" affirme Marion, pâle et défaite, mais non amaigrie, rassurez-vous.

Albert Rémy, lui, est tranquillement au bar du Ruhl, attendant flegmatique la guérison du patron. Tandis que la douce Marcelle Arnold va s’enquérir de la santé du malade, l’intrépide Gérard Philipe est à la recherche de sensations fortes. Huit heures du matin : un petit déjeuner substantiel et reconstituant et il dégringole l’escalier du curieux hôtel qu’il a déniché à Nice.... charmant et "home like", il faut le dire, mais où personne n’aurait idée de le découvrir.

— INV... Allo Maman ! et Gérard Philippe comme chaque matin parle durant de longs moments à sa mère restée à Paris.

— Vous avez demande avec I.D., demande la patronne, lorsque son client raccroche.

— J’y penserai demain, promet Gérard avec un sourire désarmant... mais depuis un mois, il oublie tous les jours : si Madame X est fière [de] la gloire cinématographique qui auréole sa maison, elle est surtout conquise par le charme et la gentillesse du jeune premier.

— Maman va bien, tout va bien... Est-il vrai que la journée est libre ? D’un pas alerte, à longues enjambées, il va rendre visite à Jean Boyer. Toussant, éternuant, maudissant le sort, ce dernier est cloué au lit pour quelques jours.

— Ne reste donc pas ici à te morfondre à mes côtés, conseille le metteur en scène [à] son poulain.

Et le poulain, profitant des sages avis donnés, part au grand galop. En route pour Villefranche ! la voiture dérape dans les brusques tournants de la corniche inférieure, mais Gérard Philipe qui, nous le savons, vient de passer son permis de conduire, est déjà un chauffeur émérite.

Arrêt. On prend de l’essence.

— Pour vous, Monsieur, c’est à l’autre pompe, elle est meilleure, confie avec un clin d’œil le garagiste complaisant.

Villefranche... virage sur l’aile... arrêt brusque place Wilson.

Les enseignes italiennes font illusion : Ristoronta dei Pescatori. Specialita dei Crustacei. Frutti della mare. (sic, sic et re-sic) Les anciennes inscriptions ont disparu : nécessité du scénario qui suppose Villefranche en Italie ! Mais qu’importe à Gérard Philipe ce décor familier, le port seul l’intéresse : il a un rendez-vous sur les quais… Qu’alliez-vous donc penser ? rien de sentimental en tout ceci. Laissant les matelots américains courir le guilledou, i] n’a d’yeux que pour leur cuirassé, ancré dans la baie a quelques centaines de mètres du rivage... une vedette rapide doit venir Je chercher... la voici, il y saute, et pour la première fois de sa vie, se trouve en territoire américain. On accoste le "Colombus", il grimpe lestement l’échelle. Sur le pont, la visite des tourelles puis des cuisines et des dortoirs lui importe peu. Cette expédition en réalité a un but bien déterminé. Il a obtenu la permission du consulat américain de monter dans l’hélicoptère du bâtiment... et de l’essayer avec l’aide d’un pilote. Il attend que l’on ait enlevé les housses qui recouvre les ailes... le moteur tourne, il monte.

— Au revoir les amis, à tout à l’heure !

Que dirait le metteur en scène, s’il savait que dans l’étrange appareil qui passe à quelques mètres de sa fenêtre ouverte se trouve sa principale vedette ! Le contrat lui interdit pourtant de courir le moindre risque...

— Mais où est le risque ? demande ingénument Gérard Philipe. »

 

Gérard Philipe à bord du "Colombus" en 1948, devant Villefranche-sur-Mer
Gérard Philipe à bord du "Colombus" en 1948, devant Villefranche-sur-Mer

Légende des photos : Gérard Philipe arrive à bord du Columbus à l’heure du bain… dont il contemple le déroulement sur la toile de fond de Villefranche.

 

On trouvera ICI le premier volet de ce « making of » du film de Jean Boyer. Le volet suivant se trouve ICI. (à venir)

 

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