1948 - Gérard Philipe tourne "Tous les chemins mènent à Rome…" (1)

"Tous les chemins mènent à Rome" Gérard Philipe et Micheline Presle

Pour tourner le scénario de son ancien colocataire Jacques Sigurd, Tous les chemins mènent à Rome, Gérard Philipe s’est bien préparé : il a passé son permis de conduire en août, et s’est ensuite fait décolorer les cheveux en blond-roux. 

Cinémonde (24 août 1948) l’a même suivi sur les lieux de son examen, comme en témoigne ce cliché :

 

Gérard Philipe révise son code pour passer son permis de conduire

Légende : Gérard Philipe a passé cette semaine son permis de conduire. Jusqu’à la dernière minute, Gérard Philipe a sagement repassé son code de la route. (photo de L[ucienne] Chevert)

 

Les magazines spécialisés couvrent évidemment le tournage qui met à l’affiche le couple vedette du moment :

« GÉRARD PHILIPE est devenu géomètre, explique Cinémonde du 26 octobre 1948, un géomètre jeune, timide, plein de complexes et de taches de rousseur. Cette transformation a été rendue nécessaire par "M. Pégase géomètre" (ex et futur & "Tous les Chemins mènent à Rome"), scénario écrit par Jacques Sigurd qui fit déjà pour Philipe le scénario — tragique celui-là — de "Une si jolie petite Plage".

Les deux partenaires féminines de Gérard sont Marcelle Arnold, femme de Jacques Sigurd, et Micheline Presle.

On tourne une scène où M. Pégase-Gérard Philipe, fort intimidé par Micheline Presle-la grande vedette, essaye de lui rendre service.

Car, dans le film, Gérard a lu trop de romans policiers, sa sœur Hermine aussi.

Un jour, il assiste à une conversation téléphonique qui lui fait croire que des gangsters veulent tuer Micheline qui insiste pour ne pas mourir empoisonnée.

Gérard va s’employer à sauver Micheline de ce sort affreux en empêchant ses poursuivants de l’atteindre. Ceux-ci sont, en réalité, des journalistes que Micheline voudrait bien semer. Au cours de ses pérégrinations Gérard va prendre les propriétaires d’une villa pour des voleurs et les voleurs pour les propriétaires. Nous vous faisons grâce des nains en voyage d'agrément, des vrais diplomates avec de faux documents, de vrais documents et de faux diplomates car vous garderez ainsi vos rires tout frais pour l'écran.

En réalité, Micheline ne veut pas mourir empoisonnée dans le film qu’elle tourne, et Gérard aidera la vedette incognito d’une manière qui lui vaudra tout de même de la reconnaissance.

Marcelle Arnold et Gérard sont inséparables, mais la sœur Hermine a des exigences maternelles et surveille son petit Pégase pour qu’il ne fasse pas de bêtises et ceci même en dehors du film.

Gérard aime beaucoup ce rôle qui va le changer des amoureux romantiques. Jean Boyer, qui met le film en scène, est content de son interprète. Jacques Sigurd est content du metteur en scène. »

 

Ce commentaire était accompagné de deux photographies :

 

Gérard Philipe avec Jacques Sigurd et Marcelle Arnold
 

Si ce type d’article a toujours une vocation publicitaire, on peut déjà pointer une exagération : on peut douter de la satisfaction de Jacques Sigurd… Micheline Presle se souviendra des tensions entre les acteurs et le réalisateur Jean Boyer, peu qualifié pour filmer ce qui aurait dû être une comédie légère à l’américaine. Le scénario un peu mince ne fut pas sauvé par la réalisation :

« Gérard aurait aimé mettre en scène ce film lui-même, mais le producteur nous a imposé Jean Boyer en disant que Gérard superviserait l'affaire. Bien sûr ça n'a pas collé, et ce film n'est pas un chef d'œuvre. » (Le Nouvel Observateur, 9-15 octobre 2003.

 

Malgré certains avis orientés comme celui de Le Cinéopse (1er octobre 1949) : « Comédie très brillamment menée avec de nombreuses scènes divertissantes, des gags et de belles images. Gérard Philipe et Micheline Presle semblent amuser le public en s’amusant eux-mêmes », le film fut un échec, au grand dépit de Gérard Philipe et Jacques Sigurd. C’était le second consécutif, puisque le sujet très noir du brillant Une si jolie petite plage n’avait pas été compris du public et de la critique. Ils ne retravailleront ensemble qu’en 1955 avec La Meilleure Part, filmé par Yves Allégret (qui sera également un échec critique). Des aventures de M. Pégase demeurent quelques scènes amusantes (bien qu’assez théâtrales, comme la soirée très arrosée) et la perception de copains potaches blaguant ensemble. Quant aux « belles images », la seule copie éditée en DVD, d’assez médiocre qualité, ne les laisse guère deviner…

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