Vous pouvez en trouver un aperçu ICI (d'après l'exemplaire que je possède). Un autre exemplaire a été reproduit dans le Cahier de la Maison Jean Vilar n°108 consacré à Gérard Philipe.
Comme le fait comprendre son titre « LE CID "Philipe" » et la couverture du périodique, l’insistance est mise sur l’aventure du Théâtre National Populaire et sur l’incarnation mythique du héros de Corneille par le comédien. Cette silhouette flamboyante revêtue du costume mythique de Léon Gischia, dressée dans un flot de lumière, surplombe une citation de la pièce tout à fait appropriée au destin de Gérard Philipe : « La valeur n’attend pas le nombre des années ».
C’est effectivement la fameuse seconde rencontre avec Jean Vilar qui débute le récit, lequel enchaîne sur le triomphe du Cid ; le relais du rôle de Richard II entre Vilar et Philipe (« Le roi est mort ! Vive le roi ! »)… lequel ne mentionne pas que Vilar reprit le rôle après l’éloignement momentané de Philipe du TNP ; les aléas de la célébrité du comédien ; les rôles non moins « héroïques » au cinéma (Fanfan la Tulipe, D’Artagnan), la fidélité de la vedette envers le TNP et enfin, la mort prématurée de Gérard Philipe.
Héroïsme, fidélité à la parole, camaraderie, modestie, discrétion, désintéressement : ces vertus, qui irriguent le récit, ne pouvaient que séduire le lectorat de la publication. L’insistance sur les rôles les plus séduisants pour les jeunes lecteurs, la présence discrète d’Anne Philipe et de leurs enfants ne surprennent pas non plus dans une biographie qui s’adresse à des jeunes garçons.
Certaines cases sont directement inspirées de photographies parues dans la presse, comme cette remise du Prix Molière à Jean Vilar, le 24 janvier 1955 (autour de Vilar, on reconnaît Christiane Minazzoli, Maria Casarès, Alain Cuny et probablement Daniel Ivernel [merci à Maïté Ely pour l'identification des deux derniers]), de certaines anecdotes racontées par les proches ; les aléas de son immense célébrité ne sont pas non plus dissimulés.
Cependant, pour mieux servir le récit, certains raccourcis sont pratiqués : par exemple, Gérard Philipe projetait bien de jouer Hamlet, mais les réserves de Jean Vilar à ce sujet ne sont évidemment pas mises en avant. Le 30 avril 1959, il avait demandé à Philipe de prendre
« garde à ne pas t’enfermer dans des terrains très connus ou très classiques (Bad[ine] + Cap[prices de Marianne] + Ham[let]). Je crois que là où tu en es au théâtre, tu dois prendre sur ton dos quelque chose d’inconnu et de beau, de peu joué ou de pas joué en France (like Hombourg). Tout ton talent qui a mûri et s’est comme étalé, doit être retrouvé à travers et par un personnage inconnu du public et de tous. Je le trouverai. Hamlet viendra un jour. Mais l’an prochain [c’est-à-dire en 1960], après ces deux derniers Musset, je pense que tu dois t'agripper et éclairer quelque grand personnage oublié ou totalement inconnu du répertoire international. Tu sais bien que ces propos sur ta carrière théâtrale sont fraternels. Je souhaite Hamlet et il n'y a pas de "cabale contre" dans ma tête. Le projet Brook-toi-TNP était beau. À défaut, il faut l’inconnu. Et Gérard, il nous faut jouer cette bonne partie, à l’heure même où tous, au TNP, toi, moi compris, nous arrivons à une bonne connaissance de notre métier. Réfléchis. Il faut sortir des choses trop connues. » (cité dans Jean Vilar / Gérard Philipe. "J’imagine mal la victoire sans toi", Maison Jean Vilar, Festival de la Correspondance de Grignan, TriArtis, 2019, p. 57).
On peut aussi se demander ce qu’aurait pensé le comédien en lisant dans la BD que Sacha Guitry était « un des plus grands hommes de théâtre du siècle »… Mais le réalisateur mis en avant est celui des grandes fresques historiques populaires (avec Si Versailles m'était conté et Si Paris nous était conté) qui résonnent ici en écho aux Belles Histoires et Belles vies, ces biographies édifiantes et morales destinées à la jeunesse dessinées par le même Robert Rigot.
En dépit de ces quelques approximations, il s’agit d’un bel hommage, qui témoigne aussi de l’essor du « mythe Gérard Philipe » en cours d'élaboration, à peine un an après son décès…
Une planche originale de Robert Rigot, passée récemment en salle des ventes, permet d’admirer la finesse du
tracé à l’encre et le travail sur les ombres et la lumière.
Illustrations : © Robert Rigot / Cœurs Vaillants. – Source de la planche originale.