1958 et 1960 – Octave Mouret séduit les deux Allemagnes ("Pot-Bouille")

Gérard Philipe dans Pot-Bouille

Comme l’expliquait Aurélie Barjonet dans « Étude croisée des deux réceptions allemandes et de la réception française (1949-1978) » dans  Zola d'Ouest en Est: Le naturalisme en France et dans les deux Allemagnes (Presses universitaires de Rennes, 2010), Pot-Bouille sort sous deux titres différents dans les deux Allemagne, le titre français, faisant allusion à la tambouille, trouvant difficilement une équivalence germanique.

Tout d’abord à l’Ouest, en 1958. Le film est intitulé Immer wenn das Licht ausgeht (À chaque fois que la lumière s’éteint), ce qui rend bien l’aspect intrusif d’Octave dans les foyers des habitants de l’immeuble.

Puis à l’Est, en 1960, sous l’appellation de Der schöne Octave (Le Bel Octave), ce qui rend hommage à son interprète principal, extrêmement populaire en RDA.

Dans les deux cas, on se focalise davantage sur Octave Mouret : cet infléchissement sur le personnage principal est en partie due à la persona de Gérard Philipe. D’une satire sociale acerbe dans le roman, le film devient davantage une comédie ironique, un Feydeau mâtiné de naturalisme, entraîné par la séduction du personnage principal et vedette du film… ce qui sera reproché à Duvivier et Jeanson (le scénariste) par certains chroniqueurs français à sa sortie.

On constate cette différence d’approche entre Est et Ouest avec les illustrations des programmes de cinéma imprimés lors de ces sorties de Pot-Bouille :

 

Immer wenn das Licht ausgeht (Pot-Bouille) en RFA

Immer wenn das Licht ausgeht (Pot-Bouille) en RFA

Immer wenn das Licht ausgeht (Pot-Bouille) en RFA

À l’Ouest, l’insistance est portée sur l’implication de Mouret dans les vies des habitants de l’immeuble et son ascension sociale. Il est d’ailleurs comparé à un Rastignac tiré de Balzac dans la critique ouest-allemande. En effet, Die Welt rend compte du film, avec le titre : « Un jeune homme veut s’élever très haut dans la société. Joyeuses histoires de mœurs de la bourgeoisie : la mise en scène de Zola par Duvivier ».

Lors de la sortie, Der Spiegel (5 août 1958) expliquait que :

« Julien Duvivier a distillé la critique sociale amère du roman "Pot-Bouille" d'Émile Zola et en a conservé un tableau de mœurs robuste et turbulent, dans lequel Gérard Philipe, amateur de femmes au sang froid et vendeur passionné d'articles féminins raffinés, tire profit sans conteste des affaires et des autres plaisirs de l'immoralité bourgeoise. Les plaisanteries crûment explicites et les grivoiseries effrontées dont Duvivier a parsemé son monde bourgeois savoureusement peint sont considérablement affinées par un trio d'actrices de choix (Danielle Darrieux, Dany Carrel, Anouk Aimée) au délicat contraste. […] »

 

À l’Est, on insiste davantage sur les liaisons et la séduction du personnage, en le montrant entouré de jolies femmes plus ou moins habillées… Cela rejoint le compte rendu de Neues Deutschland qui titrait : « Le sourire de Gérard Philipe. Le Bel Octave de Zola dans un film de Duvivier ». Évidemment, la critique des mœurs de la bourgeoisie sous-entendue dans le film est mise en avant.

Der schöne Octave  (Pot-Bouille) en RDA
 Der schöne Octave  (Pot-Bouille) en RDA

Der schöne Octave  (Pot-Bouille) en RDA

On retrouvera ICI quelques anecdotes de tournage.

 

Illustrations : programmes de cinéma est- et ouest-allemands. (source : cartes postales anciennes)

 

Commentaires