En 1958, Gérard Philipe fait sa grande rentrée, tant attendue, à Chaillot, avec le Théâtre National Populaire. Il incarne Octave dans Les Caprices de Marianne, pièce qui a été créée au mois de juillet précédent au festival d’Avignon.
À l’occasion de cette reprise parisienne, il accorde une très brève interview à un journal (dont je ne peux indiquer le nom, cette coupure de presse ayant été glissée dans l’exemplaire du livret-programme du TNP qui appartenait à ma mère… J’imagine que l’article est paru en novembre 1958) :
« (…) Avec [Les Caprices de Marianne], le T. N. P. inaugure la rentrée de Gérard Philippe (sic) à qui nous avons demandé ses impressions d'avant-première.
— Pourquoi je suis revenu au théâtre ?
Je pourrais répondre par une lapalissade qui d’ailleurs n’en est pas une, c'est qu’un acteur doit jouer le plus souvent au théâtre. Non pas que je méprise le cinéma. Loin de là. J'aime mon activité cinématographique. L'idéal serait de concilier ces deux formes.
Pour être un peu plus précis, je dois dire que je suis revenu au théâtre cette année, car je ne peux pas attendre que mes cheveux tombent pour jouer Musset.
C'est pour cela que je jouerais cette année Octave et Perdican.
— Comment voyez-vous votre personnage, Octave ?
— Octave est un homme qui cherche. Qui cherche la pureté au milieu de la débauche. Non pas par esprit de recherche, mais par besoin de pureté. Il retrouvera Cœlio. Mais n’a-t-on pas souvent dit que Cœlio et Octave sont les deux aspects d'un même personnage ? »
Le journaliste (« A. S. ») ajoute : « On pourrait même ajouter qu'ils sont les deux aspects d'Alfred de Musset qui n'avait que 23 ans quand "Les Caprices de Marianne" furent publiés dans "La Revue des Deux-Mondes". »
Dans la revue du TNP, Bref, le comédien développe davantage l’analyse de son personnage :
« (…) Les Caprices de Marianne appartiennent à cette catégorie d’œuvres qui font appel d’abord à la sensibilité du spectateur, ensuite à sa réflexion. Et cela est vrai aussi du spectacle, grâce à une mise en scène de Jean Vilar qui est fidèle au romantisme de Musset, qui a su l’aérer au point que les personnages sont rendus à leur propre climat. L’un, par exemple, Octave, est rendu à son milieu de débauche, et de débauche triste ; mais c’est un homme qui cherche, si je puis dire, la pureté de cette débauche. Non comme le ferait Caligula à travers Camus, par esprit de recherche, par exigence de pureté ; non, c’est un homme pur, déjà, qui se perd dans une sorte de tristesse, à la fois vague et imprécise, où il retrouve son ami Cœlio, lequel Cœlio croit Octave heureux… Au fait, ce bonheur d’Octave est une forme de cette nostalgie romantique que la plupart de nos grands auteurs du XIXe siècle se sont appliqués à définir. » (Bref, novembre 1958. Extrait cité dans Dominique Nores, Gérard Philipe, qui êtes-vous ?, La Manufacture, 1988.)
C’est un mini festival Musset que va jouer Gérard Philipe, puisqu’entre le 19 novembre 1958 et le 21 février 1959, il va alterner Les Caprices de Marianne, Lorenzaccio et On ne badine pas avec l’amour (qui sera présenté le 3 février 1959 devant une salle remplie par les adhérents d’une association culturelle).
On peut entendre Gérard Philipe dans des extraits de la pièce.
Illustrations : Les Caprices de Marianne, scène en costumes : Geneviève Page et Gérard Philipe (Verger Urbain V – Avignon – 1958) © Agnès VARDA © succession Varda [source] - Photographies d’Agnès Varda (cahier hors texte et illustration hors texte), publiées dans Les Caprices de Marianne, Collection du Répertoire (n°31), L’Arche Éditeur, 1958.
Commentaires
Enregistrer un commentaire