1951 – Festival d’Avignon : et le pourpoint du Cid craqua !

 Gérard Philipe dans son costume du Cid

En 1951, lorsque Gérard Philipe décide de rejoindre (enfin !) la troupe de Jean Vilar, celui-ci ne peut lui proposer que de participer au Festival d'art dramatique au Palais des Papes (futur festival d’Avignon), avec Le Cid, La Calandria et Le Prince de Hombourg. Mais il n’est pas le premier titulaire du rôle et son costume s’en ressent…

Le Cid est une pièce que Vilar a déjà joué en Avignon, mais son Rodrigue était alors le jeune Jorris Maulne (de son véritable nom, Jean-Pierre Jorris). Il joue la pièce en 1949 et 1950, avant la reprise du rôle-titre par son aîné. Le Cid contribuera au mythe de Gérard Philipe…

Mais, en juillet 1951, le Rodrigue de Gérard Philipe porte le costume conçu par Léon Gischia pour son prédécesseur. Quelques retouches ont suffi, car la troupe de Vilar est trop pauvre pour refaire un costume pour le nouveau titulaire du rôle-titre. Ce qui pose quelques problèmes…

Gérard Philipe avec Françoise Spira, Le Cid à Avignon (1951)

La Gazette Provençale suit évidemment de près ce 5e festival, y consacrant des articles en Une : anecdotes, portraits des comédiens, polémiques avignonnaises sur le financement, le choix des pièces (La Calandria fait scandale), etc. Le journaliste Max Guizot assiste à une répétition et en fait part dans le numéro paru le 13 juillet 1951, soit 5 jours avant la première du Cid.

 

Gérard PHILIPPE (sic) en mettant son justaucorps a fait craquer les coutures

« Hier matin j’ai assisté dans la cour du Palais des Papes à une répétition du "Cid" Jean Vilar revêtu d’une salopette, coiffé d’un petit chapeau de feutre gris dirigeait les opérations.

Avec grand plaisir j’ai entendu le grand artiste Gérard Philipe déclamer ce splendide passage qui commence ainsi :

"Cette obscure clarté qui tombe des étoiles".

L’acteur[,] un bien sympathique garçon[,] était revêtu d’une chemise bleue retombant sur son pantalon sombre.

Lorsqu’il eut terminé cette scène, il m’a été possible de le joindre dans le vestiaire ou il essayait le justaucorps sombre de Rodrigue II se sentait mal à aise dans le vêtement et il l’a même fait craquer. Par bonheur sa charmante habilleuse Mlle Aliette est à même de réparer les dégâts.

Cette pièce transformée en vestiaire pour les artistes fut autrefois une salle de police quand le Palais des Papes servait de caserne à un régiment de Ligne.

Après avoir fini son essayage Gérard Philipe le plus aimablement du monde a répondu à mes questions.

Il est très heureux de participer à ce Festival d’art dramatique et il pense que seul Jean Vilar pouvait dans le cadre du Palais des Papes présenter d’aussi grandioses spectacles.

Vilar m’a dit Gérard Philipe est le véritable dépositaire de toutes les ambitions les plus nobles du théâtre.

Grâce à lui le monde entier se tourne vers le Festival d’Avignon.

En quittant Gérard Philippe (sic), je suis revenu dans la Cour du Palais des Papes où la répétition continuait de plus belle. Sur scène Chimène[,] en l’occurrence Mlle Françoise Spira[,] déclamait des alexandrins avec une incontestable maîtrise sous les yeux des soldats du Génie chargés d’installer la scène.

Jean Vilar[,] toujours vêtu de sa salopette et coiffé de son feutre[,] portant une épée de belle taille[,] monta sur la scène pour y répéter son rôle qui est celui du roi d’Espagne. Il était suivi par M. Pierre Asso qui est un admirable Don Diègue.

Au cours de cette répétition[,] deux longs cortèges défilèrent silencieusement dans la cour d’honneur. […] Naturellement[,] ces nombreux touristes ne manquèrent pas d’observer soigneusement les artistes qui se trouvaient sur la scène. […] »

 

En novembre 1951, le costume du Cid sera modifié, gardant de sa première version les manches matelassées qui avaient amorti le choc de la chute de Gérard Philipe depuis le praticable d’Avignon, la veille de la première…

Gérard Philipe (Le Cid, second costume)
 

Sur les costumes de théâtre, vous pouvez relire un texte très éclairant de Roland Barthes. Paru dans la revue Théâtre populaire en 1955, il est reproduit sur le blog de la costumière de théâtre Julie Deljéhier : il y mentionne évidemment les costumes du TNP et certains de Gérard Philipe.

 

Illustrations : © DR.

 

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