Fin de tournage de La Chartreuse de Parme pour Gérard Philipe en septembre 1947.
Durant les à-côtés de ces mois italiens, il a noué « une belle amitié lumineuse, légère et poétique » (comme la qualifiera Maria Casarès) avec sa tante de cinéma. Qui se transforme, très brièvement en liaison, chacun des deux aimant ailleurs et tâchant (en vain) de l’oublier. Bien plus important, c’est aussi en marge de ce tournage que les deux comédiens abordent le « Mystère profane » des Épiphanies d’Henri Pichette. Ils le créeront bientôt à Paris, au Théâtre des Noctambules, le 3 décembre 1947.
Mais revenons au reportage de Pierre Michaud :
« À Rome, pour le touriste, l'automne est sans doute la plus belle saison (...) C’est aussi la meilleure pour le cinéaste : il trouve, en ces jours de septembre, une lumière un peu adoucie, (…).
Ce jour-là, à midi, Christian-Jaque tournait sur le parvis de la petite église Saint-Jean-et-Saint-Paul. Tout près, à droite, voici le Colisée et, à gauche, l'immense ruine des Thermes de Caracalla... Sur le côté, un décor plaqué au mur d’un jardin paisible représentait la poterne et la muraille massive de la Prison Farnèse. Maria Casarès, en coupé à deux chevaux, dans les atours de voyage de la Duchesse Sanseverina, se hâte à grand trot pour tenter de voir un captif très cher... "Coupez ! la figuration est en retard !"
On recommence ; quelques passants, maintenus par un cordon de police, doivent se resserrer devant la voiture ; un homme jeune, hardi, se détache et crie : "Mort au tyran !"
— La Chartreuse, 247, 3e fois !
Mais voici que les portes de l'église s’ouvrent : on y célébrait un mariage. Villette se jette à la tête des nouveaux époux, leur demandant de s'arrêter un instant. De loin, Christian-Jaque, d'un geste, remercie… La Sanseverina, dans son coupé, empruntant à Maria Casarès le roucoulement qui est le bruit de son rire, se demande à mi-voix : "Quel dommage ; peut-être avons-nous gâché le plus beau jour de leur vie !..."
La veille on tournait, à minuit, dans la Villa d’Este. L’auto nous conduit rapidement jusqu’à la colline de Tivoli ; à travers les décombres du village nous trouvons l'entrée du Palais et, guidés par les fortes lumières des projecteurs, nous parvenons, par les escaliers et les rampes célèbres, dans le bruit des fontaines et des jets d'eau, jusqu’aux bassins.
Au pied de la grande cascade, sur le terre-plein, un orchestre joue, accompagnant un petit groupe d’acteurs en costume de Romains. Dans les bosquets des personnages en grand costume assistent à la fête, que président, dans leur loge, le Prince et Ia Favorite. La mise au point est laborieuse. La lumière violente des projecteurs fait paraître plus sombre la nuit et plus doux l'éclat des étoiles. Assis à l'écart, dans un massif de lauriers, Maria Casarès et Gérard Philipe échangent des confidences. Gérard, qui a terminé, quitte Rome le lendemain. On le voit encore dominé par le personnage qu'il vient d’interpréter. La nuit estompe la lumière du regard et du sourire... Nous lui disons le succès, à Venise, de son "François" du Diable au Corps. Maria Casarès ajoute à nos propres compliments. Elle ne devait tourner que plus tard, juste avant l'aurore, vers quatre heures du matin... » Pierre Michaud, Cinémonde, 21 octobre 1947.
Mi-juin, Gérard Philipe avait reçu le Prix de la critique internationale au Festival international de Bruxelles pour son interprétation de François dans Le Diable au Corps. Le film fera scandale et son principal interprète masculin fut désormais considéré comme l’un des meilleurs acteurs de son temps.
Les deux premiers volets de ce making of avant la lettre se trouvent ICI et LÀ.
Illustrations : captures d’écran du DVD SNC Les Classiques français.
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