1947 – Chez Gérard Philipe, rue du Dragon : un antre de bibliophile…

Gérard Philipe dévorant des livres (1950)

Alors que Gérard Philipe tourne Le Diable au Corps, les journalistes se penchent sur l’envers du décor et s’intéressent à l’intimité du « jeune premier », avec un reportage intitulé « Gérard Philippe (sic) chez lui ». Il partageait alors l’ancien appartement des Allégret-Signoret  du 7 rue du Dragon, dans le Quartier Latin, avec Jacques Sigurd.

Ce type de reportage faussement intrusif ne sera pas le dernier. Ouvrir sa porte à un journaliste de magazine cinéma est alors une obligation publicitaire qui renforce les liens avec le public et contribuent à alimenter la persona publique de la vedette.

Les éléments mis en avant dans ces quasi « publi-reportages » sur Philipe varient peu dans le temps : l’acteur est présenté comme étant « sage » (en 1947, il est supposé se tenir à l’écart des fêtards et intellectuels sulfureux de Saint-Germain-des-Prés), simple malgré sa notoriété (vertu qui le rapproche de ses admirateurs, puisqu’il n’est pas « bêcheur ») et studieux (trait de caractère constant : Jean Vilar le qualifiera encore de « travailleur acharné, travailleur secret, travailleur méthodique » dans sa très célèbre nécrologie de 1959).

De même, le reportage photo met l’accent sur cette normalité du jeune homme, entre réveil manifestement ensommeillé et difficultés de chauffage, mais insiste davantage sur les qualités « estudiantines » du comédien, avide de savoir et entouré de livres. Une manière aussi de rebondir sur une constante de cette jeune carrière, son adossement à des textes littéraires et/ou dramatiques avec Giraudoux, Camus, Radiguet, Dostoïevski et bientôt Stendhal, annoncé en fin d’article.

Pour le chroniqueur (anonyme),

« GÉRARD PHILIPPE, un des meilleurs artistes français d’aujourd'hui, est un garçon bizarre. Lui, qui fut un Caligula inoubliable, l'Ange de Sodome et Gomorrhe plein de tendresse, qui a eu un véritable triomphe dans « l'Idiot », garde dans la vie privée une simplicité et une modestie étonnantes. Il suffit de passer une heure avec lui pour être complètement conquis par ce garçon aux yeux romantiques. C'est tellement rare de trouver chez un jeune artiste, qui n’a eu que de gros succès et des triomphes depuis ses débuts sur la scène, cette absence totale de cabotinage et de prétention, si fréquente aujourd’hui, même chez des jeunes débutants, souvent sans talent.

Gérard Philippe habite un tout petit appartement dans le quartier Saint-Germain (trait caractéristique, il fréquente très rarement le café Flore) et mène une vie d’un véritable étudiant du quartier Latin. Il s'occupe de tout chez lui. C’est lui qui scie le bois pour le poêle qu'il allume tous les matins, c’est lui qui prépare une tasse de thé qu’il boit sur une table couverte de journaux et de différents objets hétéroclites. Il s'occupe du ravitaillement. Mais tout cela sans faire attention aux détails. Sa seule passion, ce sont les livres. On en trouve partout. Quand il a quelques minutes de liberté, il va chez des libraires ou chez des bouquinistes en espérant trouver un volume rare. (…) » Pour tous, 28 janvier 1947.

 

Gérard Philipe chez lui en 1947 : endormi

Gérard Philipe chez lui en 1947 : salle de bain

Gérard Philipe chez lui en 1947 :  chauffage

Gérard Philipe chez lui en 1947 : chauffage

Gérard Philipe chez lui en 1947 :  cuisine

Gérard Philipe chez lui en 1947 :  petit-déjeuner

Gérard Philipe chez lui en 1947 : avec un bouquiniste sur les quais de Seine

Gérard Philipe chez lui en 1947 : bibliothèque

Cet amour sincère des livres, cette lecture compulsive et méthodique seront à l’honneur dans presque tous les reportages réalisés sur le comédien à la fin des années 1940-début des années 50. (On sait que Gérard Philipe réalisait des fiches de lectures – conservées par sa famille, quelques-unes ont été exposées à la Bibliothèque nationale de France en 2003 et sont reproduites dans le catalogue Gérard Philipe, un acteur dans son temps, Bibliothèque nationale de France, 2003.)

Ces traits de caractère expliquent aussi que Gérard Philipe aie réalisé en 1950 une très fameuse publicité en faveur de la lecture, à la demande du Cercle de la librairie française…

 

Gérard Philipe : Dévorez des livres ! campagne publicitaire pour la lecture (1950)

 Il existe apparemment plusieurs photographies de cette séance de pose :

 

Gérard Philipe : Dévorez des livres ! campagne publicitaire pour la lecture (1950)

Gérard Philipe : Dévorez des livres ! campagne publicitaire pour la lecture (1950)

 

Illustrations du reportage de Pour tous (1947) – Dévorez des livres… Mieux qu'un cadeau, un livre. (Photographie(s) de Louis Lorelle, novembre 1950).

Commentaires