Alliant loisirs et déplacement professionnel, en août 1952, Gérard Philipe atterrit au Québec durant la semaine du 11 août 1952, pour promouvoir Fanfan la Tulipe. Il profite de la pause estivale du TNP pour découvrir le Québec avec Anne Philipe (« voyage de noces » suggère la presse) et pour apparaître au gala de lancement de ce film qui lui vaut déjà tous les suffrages.
Son arrivée est rapidement annoncée dans la presse :
« Le jeune et célèbre acteur français, Gérard Philipe, est bel et bien en vacances, quelque part dans notre province, en compagnie de sa femme, selon Thomas Clearey, directeur de publicité à la Consolidated Theatres. "Il est arrivé, mardi, par avion et il a ensuite quitté Montréal pour une voyage en Gaspésie dans une automobile mise à sa disposition," dit notre informateur. Philipe reviendra à Montréal pour le 26 août, à l'occasion de la première canadienne de "Fanfan-la-Tulipe", à l'Alouette. [...] Philipe et sa femme quitteront Montréal par avion [...] le 27. » (Le Petit Journal, 17 août 1952)
C’est l’occasion pour l’acteur de recevoir la presse et de revenir sur le tournage du film et sur ses projets :
Gérard Philippe veut revenir au Canada avec le T. N. P. et pour tourner une suite à "Fanfan"
« Lorsque Gérard Philippe (sic) parut sur la scène du théâtre Alouette, à la conclusion de "Fanfan la Tulipe", les applaudissements furent si prolongés qu'ils en devenaient une épreuve de maintien pour le jeune artiste souriant et muet.
Mais sa grâce simple et spontanée semble lui inspirer le geste et le mot exacts avec un naturel qui force votre admiration. De ce qui a été dit sur la scène, nous retenons surtout que le Théâtre national populaire fera une tournée au Canada, d'ici deux ans, puisque Gérard Philippe l'a affirmé de nouveau à notre interview.
Comme le comédien fait de nombreux films et qu’il est en ce moment au Canada, viendra-t-il avec la troupe ?
— Le T.N.P. a dans son répertoire quelques pièces dans lesquelles je ne joue pas et dans son itinéraire quelques villes de France dans lesquelles j'ai déjà joué. Cela me donne les semaines nécessaires pour tourner un film ou prendre des vacances.
— Un film aussi mouvementé, aussi rempli d'épisodes que Fanfan la Tulipe a pris combien de temps à être fait ?
— Nous avons tourné le film en deux mois et demi, à Grasse. Je venais de me blesser à la jambe en tombant d'un tréteau, à Avignon, et l'exercice, un peu violent au début, a aidé ma guérison et m'a empêché de penser aux soins et remèdes que je devais prendre.
— Avez-vous été souvent doublé pour les scènes de combat ?
—Je ne l'ai été qu'une fois, pendant la course où le cheval tombe et me renverse, alors que je tiens Adeline dans mes bras. La somme de chutes et de foulures fut assez forte, et j'eus moi-même la main transpercée d'une épée, mais nous avions, pour les coups durs, les cascadeurs.
On appelle ainsi, en France, les "stunt men", qui doublent les étoiles et risquent leur vie pour la gagner. Cette confrérie est formée, paraît-il, de jeunes gens d'élite dans la trentaine, que la guerre a empêchés de terminer leurs études universitaires. M. Philippe (sic) a une phrase paradoxale et profonde en parlant d'eux : "Ils connaissent la vie mieux que nous, puisqu'ils l’oublient constamment."
Gérard Philippe a tourné les Belles de nuit, de René Clair, avant son voyage de noces au Canada. Pendant son séjour au Mont-Tremblant et à Québec, il a étudié les possibilités de tourner la suite de Fanfan la Tulipe au Canada, dans l'armée de Montcalm. Il s'est sûrement bien documenté, car il répond à un journaliste qui lui parle de la Citadelle : "C’est impossible, puisqu'elle n'était pas construite à cette époque." D'autres projets plus ambitieux se rapportent à la grande production de Till l’Espiègle, dont il veut assumer lui-même la direction. "Film peut-être dangereux puisqu'on y parle de liberté : mot qu’il faut citer avec prudence."
Du théâtre national populaire, Gérard Philippe dit qu’il apporte un souffle de renouveau sur la scène et dans la salle. Dressé en plein air, avec le seul concours des costumes pour situer l'époque, il surprend le public par cette idée inattendue de trouver du théâtre où on ne s'y attendait pas. À l'encontre de Jouvet, qui ne faisait du cinéma que pour l'argent que cela lui rapportait, Gérard Philippe (sic) l'aime tout autant que le théâtre, et n’a pas regretté un seul jour les études de médecine (sic) [en réalité, de droit] qu'il a faites après sa philosophie.
Ses premiers rôles l'ont placé de plein pied avec les meilleures comédiennes de notre époque [...]. Et chaque interprétation transformait cette nature souple et instinctive dans le personnage choisi pour lui.
Terminons en disant que Gérard Philippe (sic) a monté l'an dernier, au Palais de Chaillot, la pièce la plus révolutionnaire de l'année, Nucléa, du poète Henri Pichette, fils d'un Canadien établi en France. Comme accompagnement, des sons dénaturés par l'enregistrement, et comme décor, les sculptures "mobiles" de Calder. Gérard Philippe est vraiment, à trente ans, un homme de théâtre complet. » (Lucette Robert, Le petit journal, 31 août 1952)
Il reviendra effectivement avec le Théâtre national populaire de Jean Vilar en 1954 et en 1958 . Dans l’intervalle, il ne se privera pas d’adresser un petit coucou aux Québécois, par presse interposée.
La présence de Gérard Philipe aidera sans doute la carrière de ce film de cape et d’épée, qui remportera, là encore, un succès énorme ! Fanfan la Tulipe sera un passeport international pour l’acteur.
Si certains estimèrent que Till l'Espiègle était un autre Fanfan la Tulipe, ce genre cinématographique semble avoir séduit Gérard Philipe, puisqu'il envisageait de tourner une suite à Fanfan. Ce projet était-il réellement sérieux ? Impossible de le savoir. Mais il semble avoir apprécié la réalisation de Christian-Jaque (malgré certaines dissensions sur le tournage), puisque c'est à lui qu'il pensera d'abord pour réaliser Till.
Publicité parue dans la presse québécoise : © Bibliothèque et Archives nationales du Québec. – Affiche de Fanfan la Tulipe sur Ciné-Images.
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