1947 – Souvenirs de Noël, par Gérard Philipe

Fac-similé de la signature de Gérard Philipe

Pour son numéro de Noël, le magazine Cinévie publie les traditionnels récits de Noël des vedettes. Celles-ci narrent des souvenirs, plus ou moins véridiques, plus ou moins sincères, mais arrangés de manière à créer une connivence avec leur public. Dans ce numéro, fait miroiter le magazine, « Soixantes vedettes françaises ont écrit pour vous leurs confidences ».

En 1945, puis en 1948, Gérard Philipe avait ainsi expliqué comment il voyait Noël, puis comment il n’avait plus cru au Père Noël. Le texte ci-dessous constitue une autre variation sur le même thème. Mélangé à de (probables) souvenirs d’enfance, sans doute beaucoup de broderies ; plus que la véracité du narrateur (qui protégeait sa vie privée), il faut ici admirer l’aisance du conteur….

« GÉRARD PHILIPE

Je cherche l’étoile

Noël, pour moi, a toujours été une fête miraculeuse. Tout petit, je la passais avec ma famille près de Nice, à Thorenc, où nous avions un chalet. Ce jour-là, ma mère devenait metteur en scène et quel metteur en scène ! Nous dînions tard, et, au dessert, quelqu’un frappait à la porte. Nous savions, mon frère et moi, que cela se produirait parce que, chaque année, le Père Noël venait ainsi nous rendre visite. Mais nous attendions avec un peu d’angoisse, redoutant qu’il oubliât ou encore que, ne nous jugeant pas assez sages, il passât son chemin sans s’arrêter.

Il frappait et à travers la porte vitrée qui séparait le salon de la salle à manger, en même temps que s’illuminait l’Arbre de Noël, il nous apparaissait dans son grand manteau blanc avec sa longue barbe neigeuse. Nous n’osions bouger. Il disparaissait alors avant que nous ayons l’idée d’aller le voir de plus près, pour que nous ne reconnaissions pas, savamment drapé dans un peignoir de bain, notre chauffeur déguisé par les soins de maman...

C’est toujours à ces Noël-là que je pense quand revient le 25 décembre, et sans doute n’oublierai-je pas la peine ressentie un jour que, parti en excursion dans la montagne avec des camarades et pris par la neige, je dus, avec eux, passer la nuit de Noël dans un refuge.

Il n’y avait ni sapin, ni bougie, ni le sourire de ma mère, et bien que, depuis longtemps déjà, je n’aie plus cru au Père Noël, jamais je n’ai été aussi triste d’être loin de celle qui savait si bien le faire venir pour nous.

Soudain devant moi s’alluma une grosse étoile. Je la suivis longtemps, longtemps dans la nuit claire de décembre. Je marchais sur les montagnes, sur les villages, sur les cloches et, tout à coup, sans savoir comment, je vis ma mère qui m’attendait sur le seuil du chalet. C’était un rêve. Je me réveillai tout heureux. » (Cinévie,9 décembre 1947, n° 115, spécial Noël)

 

Illustration : signature de Gérard Philipe, reproduite dans le numéro de Cinévie du 9 décembre 1947 (© Gallica / Bibliothèque nationale de France).

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