1952 – Gérard Philipe, un Fanfan la Tulipe en bande dessinée

Fanfan la Tulipe : bande dessinée de 1952 (extrait)

Avec le succès monstre de Fanfan la Tulipe en 1952, le personnage incarné par Gérard Philipe à l’écran se décline sous divers avatars. Avec divers objets dérivés (sans doute une grande première en France !), il fait aussi l’objet d’une adaptation feuilletonnesque en bande dessinée. Étonnamment, ces deux adaptations en BD illustrent deux aspects du personnages chers à l’acteur !

 

Fanfan la Tulipe, un (long) feuilleton de L’Intrépide

Créé en 1910 par les frères Offenstadt, le premier L'Intrépide était un hebdomadaire illustré « dont le contenu relatait des histoires de flibustiers, de chasseurs de trésors, d'apaches ou de trappeurs » (Gallica). Il avait été Créé pour concurrencer le Journal de voyages, d’où son insistance sur les voyages lointains et les contrées inexplorées, il s’arrêta en 1937.

Le titre fut ensuite repris par le groupe de presse Cino Del Duca :  le contenu américain dominait (Superman, Batman…), mais il propose aussi des adaptations en bande dessinée de films comme L’Aigle des mers ou Le Capitaine Blood de Michael Curtiz, Tempête sur le Bengale de Sidney Salkow, ou encore Le Secret de Monte-Cristo d’Albert Valentin.

Dès 1949, l’hebdomadaire commence à publier des feuilletons longs. (On retrouvera l’histoire détaillée de ce magazine pour la jeunesse dans la présentation en deux parties de BD Zoom : ICI et LÀ)

Le 24 avril 1952, le n°129 voit débuter les aventures de Fanfan, dans une adaptation signée de Prado (Jean Pradeau, de son vrai nom) pour le texte et d’Étienne Le Rallic pour les dessins.

 

Fanfan la Tulipe : bande dessinée de 1952 (extrait)
 Début du feuilleton, avec l’évocation du contexte historique (source)

Si l’intrigue de la bande dessinée se calque sur celle du film, les détails de la narration sont souvent dramatisés et mettent en avant les actions du héros. Selon un lecteur, le magazine « étant destiné à un lectorat d’enfants, la séquence où Gina Lollo colle une baffe à Louis XV était absente ».

 

Fanfan la Tulipe : bande dessinée de 1952 (extrait)

A la poursuite d’Adeline (1953, L’Intrépide, 3e série - source)

Il fallait évidemment assurer un suspense insoutenable (ou « cliffhanger ») en bas de chaque page, puisque la publication se fait au rythme d’une page par numéro, soit une page par semaine… Autant dire que les aventures de Fanfan s’étirèrent durant des années… avec plus de 200 pages d’aventures rocambolesques !

 

Fanfan la Tulipe : bande dessinée de 1952 (extrait)

Attaque du carrosse de Mme de Pompadour par les bandits : détail d’une planche originale de L'Intrépide (source)

 

Malgré la fidélité affichée au film, il faut noter que les personnages ne ressemblaient pas vraiment aux acteurs du film, sinon par des caractéristiques très extérieures comme les costumes.

Cette bande dessinée s’achèvera le 12 avril 1956, dans le numéro 337… ayant bien dépassé le cadre du film, puisqu’on retrouve désormais Fanfan au Québec ! 

Il est d’ailleurs amusant de noter que, quatre ans auparavant, Gérard Philipe avait justement envisagé de filmer au Québec la suite des aventures de son personnage et qu’il aurait commencé à se documenter sur la question… Adeline faisait-elle encore partie de l’histoire ? Seuls ceux qui ont suivi ses aventures le savent, mais on peut en douter.

 

Fanfan la Tulipe : bande dessinée de 1956 (extrait)

Dernière planche du feuilleton Fanfan la Tulipe dans L’Intrépide (source)

 

Fanfan la Tulipe, une nouvelle série dans les années 1970…

De 1971 à 1980, Fanfan la Tulipe connaît une résurrection dans le journal Pif Gadget, dessiné par Lucien Nortier et Christian Gaty. Les scénarios sont signés Jean Sanitas. Une fois encore, il s’agit d’inventer diverses aventures au personnage, bien loin du film de 1952. Ces histoires sortiront ensuite en albums (voir le détail sur Wikipedia).

Dans le Pif Gadget du 14 juin 1971 (n°121), le rédacteur en chef le présentait ainsi :

« Peut-être le connaissez-vous déjà : son nom a traversé les siècles, ses prouesses sont entrées dans la légende et l'histoire. Malin, astucieux, espiègle et courageux, voici Fanfan. Ridiculisant celui qui en veut à sa liberté, qu'il soit sergent ou roi, se moquant d'une armée entière ou d'un gros collecteur d'impôts, sautant par-dessus les toits, maniant le sabre ou le pistolet, le canon ou la ceinture : voici Fanfan ! Fanfan, le gai défenseur de la veuve et de l'orphelin, celui qui pense à la farce qu'il pourrait bien faire quand il faudrait plutôt penser à fuir le gibet... Fanfan la Tulipe est enfin de retour ! Fanfan la Tulipe, le nouveau héros de PIF que vous retrouverez, à partir d'aujourd'hui, toutes les trois semaines... en avant... Fanfan la Tulipe ! En avant, la Tulipe... en avant. »

 

Avec les ans, ce Fanfan est bien plus proche de la conscience sociale qu’avait voulu lui donner Gérard Philipe. Il est devenu un presque Zorro, se battant « pour la veuve et pour l’orphelin » et pour redresser des torts. Il jouit également d’une liberté bien plus grande que celle des soldats de l’époque, aventurier oblige… Son interprète au cinéma en aurait sans doute été heureux, lui qui s’était affronté à plusieurs reprise avec Christian-Jaque sur le sujet. Ce dernier se souvenait :

« […] au début, nos rapports étaient un peu grinçants car l’un et l’autre n’avions pas la même conception du personnage de Fanfan. Pour moi, Fanfan était un jeune garçon spontané, frondeur, indiscipliné, irrévérencieux, trousseur de filles… cachant dans ses poches des feux d’artifices, les mains pleines de poil à gratter et les lèvres toujours prêtes à embrasser. Gérard, lui, voyait un Fanfan réfléchi, posé, en un mot, plus intellectuel. Un jour, je lui ai dit : "Bon, ça suffit, ça ne peut pas continuer comme ça, j’ai d’autres propositions, d’autres films à faire, tu n’as qu’à faire celui-ci tout seul !" - "Non, non, me dit-il ; si tu veux vraiment que le film soit comme ça, eh bien, je le ferai comme ça ! " C’est un peu à contre cœur qu’il a accepté d’inteprêter Fanfan comme je le souhaitais, mais il était très loyal. Peu à peu, il s’est laissé prendre au jeu et c’est vraiment pendant le tournage que j’ai eu la révélation de la vraie personnalité de Gérard. Il y eut soudain un épanouissement en lui. Gérard était devenu Fanfan dans la vie de tous les jours : gai… charmant… enthousiaste… espiègle, et même déchaîné. Il ne se passait pas un repas sans qu’il y ait des bagarres amicales à coup de purée de pommes de terre et de crème fraîche. Gérard était vraiment pris au piège du personnage qu’il créait. » (Première, octobre 1979.)

 

Fanfan la Tulipe : bande dessinée de 1973 (extrait)

Détail d’un combat, planche originale de 1973 (source)

  

Fanfan la Tulipe : bande dessinée de 1973 (extrait)

Fanfan n’est toujours pas un cavalier accompli… planche originale de 1973 (source)

 

Les traits de ce Fanfan dessiné font désormais penser à Gérard Philipe, mais de manière stylisée… Preuve que l’acteur avait définitivement marqué l’inconscient collectif sur une figure qui n’exista tout d’abord que dans la chanson.

 

Fanfan la Tulipe : bande dessinée de 1973 (extrait)

Détail d’une planche originale de 1973 (source)

 

Illustrations : détails de planches intégrales reproduites dans bedetheque.com ; bar-zing.blogspirit.com et 2dgalleries.com.

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