1949 – Gérard Philipe promeut sa chère "petite plage" à Lausanne (2)

copie d'écran de "Une si jolie petite plage" DVD © Pathé-Films

« Un grand garçon tout simple », c’est ainsi que perçoit le journaliste de la Gazette de Lausanne venu interviewer (avec difficultés, au milieu de la cohue) Gérard Philipe lors de son passage-éclair pour promouvoir Une si jolie petite plageUn grand garçon tout simple, c’était aussi le sous-titre d’un des premiers fascicules biographiques consacré à l’acteur-comédien en mai 1948, et qui a sans doute influencé (volontairement ? à son insu ?), le chroniqueur.

Mais ce qualificatif semble tout à fait mérité tant Gérard Philipe charme journalistes et admirateurs par son absence de prétention, sa gentillesse et sa patience. Si ses propos d’interviewé n’ont pas le mérite de l’originalité (l’acteur avait dit pareil, davantage et mieux à un journaliste du Journal de Genève un peu plus tôt dans la journée), cette tranche de vie a le mérite de rappeler l’importance capitale des Ciné-Clubs dans la diffusion cinématographique et leur impact pour former le goût du public et la cinéphilie ; elle rappelle également combien Gérard Philipe s’impliquait dans la promotion de ses films et l’importance qu’il portait à cette réalisation.

« Un grand garçon tout simple : on ne peut mieux le présenter. Lui est venu à Lausanne présenter "Une si jolie petite plage" à quelques invités et aux membres du Ciné-Club. Arrivé au début de l'après-midi de lundi à [l’aéroport de] Cointrin (…), Gérard Philipe était à Lausanne à 17 heures — et dans la nuit il repartait pour Paris. Passage en coup de vent, mais qui nous a tout de même donné l'occasion d'approcher quelques instants le plus sympathique jeune premier français d'aujourd'hui.

II est lui-même, tel que nous l'avons vu avec ou sans "diable au corps" ; un regard clair, légèrement surpris... Surpris de quoi ? D'être lui-même, peut-être. Rien de blasé, ni surtout de prétentieux. Il fait de tout son cœur son beau métier d'acteur, et l'engouement des foules l'amuse doucement, sans même le toucher assez pour l'agacer. Un vrai chic type.

— Nous jouons tous les soirs au Montparnasse "Le figurant de la Gaîté", sauf le lundi. J'ai profité de ce jour de relâche pour venir présenter ici le film [du producteur, qui l’accompagne à Lausanne] M. Darbon "Une si jolie petite plage". C'est une œuvre que j'aime beaucoup — comme tout le travail avec Jacques Sigurd d'ailleurs, qui est l'auteur du scénario. Et qui mettra lui-même en scène son prochain film, dont je me réjouis d'être. Je dois tourner aussi avec René Clair.

— De belles soirées en perspective. Et au théâtre ?

— Nous continuons de nous amuser en jouant "Le Figurant". Puis il y aura une œuvre nouvelle d'Albert Camus.

Faut-il demander à Gérard Philipe s'il préfère la scène aux studios ? Quelle est l'œuvre qu'il préfère ? Et si la Suisse lui plaît ? Franchement, on n'en a pas le courage ! Il est trop gentil, trop simple, trop naturel. On aimerait le prendre par l'épaule et l'emmener boire un verre dans un coin tranquille, tant on se sent d'emblée en amitié avec ce grand garçon tranquille, au visage un rien tourmenté. Mais ça ne se fait pas. Il y a trop de monde venu pour le voir, trop de dames qui l'assaillent. Il se passe la main dans les cheveux un rien embroussaillés — comme à l'écran, il sourit à chacun, il essaie de répondre à tout le monde. Il est désarmant — pour le reporter du moins, mais visiblement pas pour ses admiratrices ! Pauvre garçon.

Alors, nous parlerons un autre jour d'"Une si jolie petite plage", un film ruisselant (et pas de bonnes intentions !) que les Lausannois verront sous peu.

Puissions-nous surtout revoir Gérard Philipe à Lausanne, sur la scène (…), et aussi plus à loisir, entre amis. Il est vrai qu'ils sont si nombreux... car comment ne l'aimerait-on pas ?! » G. D. Gazette de Lausanne, 3 mars 1949.

 

Le film de Jacques Sigurd est Paris chahute au gaz, dont le scénario aurait dû également être signé par cet ami de Gérard Philipe, et qui ne sera pas réalisé. À ce sujet, voir L’Écran Français, 16 mai 1951.

Le projet avec René Clair est évidemment La Beauté du Diable.

La pièce d’Albert Camus évoquée, Les Justes, ne sera pas jouée par Gérard Philipe qui ne pourra se libérer : c’est finalement Serge Reggiani qui incarnera Ivan Kaliayev dit Yanek, aux côtés de Maria Casarès (Dora). La pièce sera créée au Théâtre Hébertot le 15 décembre 1949.

 

Illustration : copie d’écran du DVD Pathé © Pathé-Films

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