1949 – Gérard Philipe et le comique (définition en interview)

Gérard Philipe (détail d'un portrait de Sam Lévin) (c) MAP

C’est alors qu’il joue Le Figurant de la Gaîté d’Albert Savoir (dans le rôle dudit figurant, généralement accompagné d’un basset) que Gérard Philipe est interviewé par le journaliste du Figaro Paul Carrière sur « l’art comique ». 

L’occasion pour le comédien de parler de son dernier film, Tous les chemins mènent à Rome, l’une des rares incursions cinématographiques dans le domaine comique de sa carrière. (Cela ne lui portera pas chance, le film sera un échec.)

« J’étais venu interviewer Gérard Philipe sur l’art comique. Ce soir-là, précisément, l’acteur était d’humeur morose. Quelqu’un venait de maltraiter son chien, le basset qui joue avec lui au Théâtre Montparnasse. Mais un jappement joyeux rassura l’artiste qui me répondit alors en proposant cette définition :

— Il faut être ému pour faire rire. Sinon, le comique n’est que l’effort d’une fantaisie que j’appellerai impure.

— Qu’entendez-vous par fantaisie impure ?

— Une surabondance de métier chez le comédien. En revanche, le comique que j’aime est fait de situations cocasses à l’intérieur d’une vraie tragédie. Il y a de cela dans mon dernier film, Tous les chemins mènent à Rome, que vous ne verrez sans doute pas avant le festival de Cannes. Cette œuvre est basée sur une forme de comique qui tient parfois de la loufoquerie et du burlesque, mais qui reste toujours accroché à la vérité (je n’ai pas dit à la logique) des personnages. Les réactions de ces derniers sont normales, je veux dire humaines, au milieu de situations cocasses, baroques ou abracadabrantes. Les personnages gardent, eux-mêmes, toujours la notion exacte des situations drôles dont ils se trouvent être les auteurs involontaires.

Quand j’aurai fini de tourner en Italie, avec René Clair, le Faust qu’il porte à l’écran, je ferai avec Jacques Sigurd qui, pour l’occasion, abordera la mise en scène, un nouvel essai dans un domaine voisin : ce sera ou bien l’histoire d’un jeune homme aux grandes jambes qui arrive à la cour d’un tyranneau italien et y déclenche des bagarres en disant simplement la vérité ; ou bien l’histoire d’un chômeur de notre époque et de mon âge, à qui un imprésario américain propose la fortune. Et puis, nous donnerons, un jour, une suite à Tous les chemins mènent à Rome. Rome n’est quand même pas le bout du monde. » (Le Figaro, 8 avril 1949.)

 

Ces projets avec le scénariste (et potentiel réalisateur) Jacques Sigurd, son colocataire de la rue du Dragon, ne se concrétiseront pas…

 

Illustration : détail d’une photographie de Sam Lévin (sans date) © MAP

 

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