1955 – Gérard Philipe répond à un questionnaire (interview)

portrait de Gérard Philipe (sans date) © DR.

En 1955 (?), Gérard Philipe répond à un questionnaire établi par le journaliste André Poirier. Ce n’est ni la première ni la dernière fois qu’il se livre à ce type d’exercice (On peut lire ses réponses données en 1947 ou en 1959.)

Voici donc cette « fiche pour la postérité », comme l’intitulait le magazine qui l’a publiée…

 « 1. — Quelles sont vos origines ?

[Réponse.] — Je suis né le 4 décembre 1922 à Cannes (A.-M.). Dans ma famille, on est pâtissier par-ci, fonctionnaire par-là. Si on remonte plus loin on trouve des paysans. J’ai vécu vingt ans sur la Côte d’Azur. J’ai fait mes études dans un collège religieux.

2. — Brossez-nous un portrait moral de votre personne ?

R. — Je suis ambitieux.

3. — Quelles circonstances vous ont amené à devenir comédien ?

R. — C'est le hasard qui, pour moi, a bien fait les choses.

4. — À quoi devez-vous votre réussite ?

R. — À la chance, d'une part, et l'acharnement d'autre part.

5 — Quelle est votre distraction favorite ?

R. — Le cinéma.

6. — Comment passez-vous vos vacances et dans quel cadre ?

R. — À la mer ou à la montagne, suivant l’époque.

7. — Quelle qualité appréciez-vous particulièrement chez vos amis ?

R. — Le silence. J'aime qu'un ami sache l'observer.

8. — Parlez-nous de ce qui vous inquiète et de ce qui vous réjouit ?

R. — L’homme, dans les deux cas.

9. — Dans quelle ambiance aimez-vous travailler ?

R. — Avec des amis.

10. — Cites-nous le mot d’esprit que vous préférez ?

R. — Que se passe-t-il Valda ?...

11. — Quelle pensée s’impose souvent à vous ?

R. — L’urgence des choses que je dois faire.

12. — Qu’est-ce qui vous étonne dans la vie ?

R. — Sa brièveté.

13. — Qu'est-ce qui vous est très familier ?

R. — Mon stylo.

14. — Avez-vous des manies ?

R. — Je me gratte souvent la tête.

15. — L'enthousiasme l'emporte-t-il, chez vous, sur la réflexion ?

R. — Je suis enthousiaste, d’abord, et puis je réfléchis.

16. — Quel endroit de Paris préférez-vous ?

R. — Les quais de la Seine.

17. — Êtes-vous collectionneur ?

R. — Non.

18. — Quelles sont les choses qui vous passionnent en dehors de votre métier ?

R. — Les métiers des autres.

19. — Et quelles sont celles qui vous ennuient ?

R. — Une panne d’essence, la fatigue...

20. — La notoriété est-elle, pour vous, insupportable ?

R. — Non.

21.— Si l'on vous interdisait de vivre en France où vous fixeriez-vous ?

R. — À Rome, à Varsovie ou en Chine.

22. — Pour quelle catégorie d’individus êtes-vous impitoyable ?

R. — Pour ceux qui manquent de conscience professionnelle.

23. — Où vous sentez-vous très à l'aise ?

R. — Chez moi.

24. — Et très embarrassé ?

R. — Chez ceux que je ne connais pas.

25. — Quelle est, à votre avis, la personnalité marquante de ce siècle ?

R. — Lénine.

26. — Si vous n'étiez pas comédien, qu'aimeriez-vous être ?

R. — Médecin.

27. — Lisez-vous beaucoup et quel genre d'ouvrages ?

R. — Je lis peu et seulement des romans ou des pièces.

28. — Contez-nous l'anecdote dont vous gardez le souvenir.

R. — Je n'en vois pas qui ait marqué pour moi.

29. — Aimez-vous les bêtes ?

R. — Oui. J'ai un basset.

30. — Quelle expression revient souvent dans votre conversation ?

R. — Je dis souvent : "pas mal..."

31. — Qu'il y-a-t-il, pour vous, de plus facile et de plus difficile à accomplir ?

R. — Facile ? Arriver en retard. Difficile ? Écrire une lettre et écouter...

32. — Avez-vous le goût du risque ?

R. — Oui, s'il est spectaculaire.

33. — Quel est votre poète préféré ? Citez-nous une œuvre que vous aimez dire ?

R. — Le poète que je préfère est Paul Éluard. Le poème que j'aime est "Liberté".

34. — Pour quel grand auteur de théâtre avez-vous la plus vive admiration ?

R. — Molière.

35. — La vie vous a comblé de ses faveurs, mais vous arrive-t-il de regretter quelque chose ?

R. — Oui, la jeunesse.

36. — De tous les personnages que vous avez incarnés, y en a-t-il un qui vous soit particulièrement cher ?

R. — Lorenzaccio, parce que c’était un rôle de composition.

37. — Que préférez-vous : le théâtre ou le cinéma ?

R. — Les deux me satisfont comme acteur. En tant que spectateur, je vais plus aisément au cinéma... mais je retiens souvent des billets pour le théâtre.

38. — Voulez-vous établir, selon vos préférences, un classement des grands films dont vous avez été l'interprète ?

R. — Je cite, par ordre chronologique : L'Idiot, Le Diable au corps, La Chartreuse de Parme, Une Si jolie petite plage, La Beauté du Diable, Fanfan la Tulipe, Les Belles de nuit, Les Orgueilleux, Monsieur Ripoix, Le Rouge et le Noir, Les Grandes Manœuvres.

39. — Comment envisages-vous votre avenir ?

R. — Dans l'ordre : Till Ulenspiegel, en février 1956 (j'y travaille d'arrache-pied en ce moment) ; une rentrée au T.N.P., en juillet 1956, à Avignon ; un voyage en Chine et un film, Polyvision, avec Abel Gance.

40. — Quel vœu voulez-vous formuler à l'instant même ?

R. — Que la paix règne enfin sur le monde. » (D’après une coupure de presse non référencée)

 

Avant de jouer Lorenzaccio avec le Théâtre National Populaire, Gérard Philipe l’avait incarné en 1948 à la radio, prise de rôle qui semble être passée assez inaperçue…

Les pannes d’essences de Gérard Philipe semblent être relativement fréquentes, comme le font apparaître certains souvenirs de ses contemporains. Sa mère Minou Philip se souvenait d’une anecdote en marge du tournage de Tous les chemins mènent à Rome

 

Illustration : © DR.

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