1948 – "La Chartreuse de Parme" de Christian-Jaque : anecdotes de tournage

 Maria Casarès et Gérard Philipe (© Gallica-BnF)

Légende de la photo : « La Sanseverina aime son neveu Fabrice mais les promenades qu'ils font ensemble sur le lac de Côme n’entameront pas l’amitié indifférente que le jeune homme porte à sa tante. »

 

Alors que les « beylistes » (admirateurs de Stendhal) polémiquaient sur la fidélité de l’adaptation au cinéma de La Chartreuse de Parme, le magazine Regards relatait certains contretemps (amusants) du long et difficile tournage italien…

Gérard Philipe dans "La Chartreuse de Parme" © Gallica-BnF

CHRISTIAN JAQUE FAIT REVIVRE LA COUR DE PARME

« C’est avec impatience que l'on attendait, sur nos écrans, la venue du dernier film de Christian Jaque : La Chartreuse de Parme, inspiré du roman.

Les stendhaliens aiguisaient leurs couteaux, criant déjà au sacrilège.

Tandis que les cinéastes travaillaient. Pour que nous puissions admirer les aventures de Fabrice del Dongo, il n’a pas fallu moins d'un an de labeur, une année au cours de laquelle n’ont pas manqué les aléas et les incidents tragi-comiques.

Par exemple : on tourne à Rome ; et les caméras sont prises de tremblements continuels, sans qu’on arrive à en déceler la raison. Toujours est-il qu’on doit faire venir de France une bonne vieille caméra parisienne, une "dure à cuire" qui remplit fermement son office jusqu’au bout... flanquée de chaque côté par un carabinier et un officier des douanes qui ne consentaient pas à la lâcher d’une semelle et l’enfermaient chaque soir dans un garage. Ils soupçonnaient, disaient-ils, un trafic de devises.

*

À Rome, au mois d’août, il ne fait guère frais. Vous vous en doutiez.

Renée Faure, pendant les pauses, s’assoupissait sur son fauteuil, les maquillages fondaient au soleil, en des traînées grasses, et Christian Jaque, lui, se déshabillait chaque jour un peu plus.

Presque en slip, il avait un mal fou à se faire comprendre des machinistes italiens.

"Luce luce", criait-il, demandant par là qu’on allumât les, projecteurs. Aussitôt tout s’éteignait.

Et puis les acteurs italiens (ils devaient parler en français) qui bégayaient. Ils recommençaient, puis, s'embrouillaient de nouveau et entraient alors dans de grandes colères, ces colères tumultueuses et drôles dont les Italiens ont le secret.

Il y avait le chien de Nicolas Mayer, l’opérateur, un chien bien élevé, sans doute, mais qui, de temps en temps, se payait le luxe d’aboyer pendant qu’on enregistrait.

Il fallait tout recommencer...

Il y avait les magnifiques objets d’art, empruntés pour le film aux musées et qui disparaissaient un jour mystérieusement.

*

Il y avait... C’est égal, toute l'équipe a été séduite par l’Italie. Au point que Renée Faure ne rêve que d'y retourner.

"Dussè-je, dit-elle, faire la route à patins à roulettes."

Le spectateur, lui, fait son voyage en Italie sans quitter un confortable fauteuil.

Et poursuit, avec Fabrice, avec la Sanseverina et Clélia, des bonheurs impossibles, dans cette principauté de Parme que tyrannise un imbécile tyran.

Tandis que les critiques s’acharnent à démontrer que l’on a trahi Stendhal, et que le public applaudit...

Avec raison. » (Robert Picati, Regards, 4 juin 1948.)

 

 

la cour de Parme, selon Christian-Jaque (© Gallica-BnF)

Légende de la photo : « Ernest IV règne tyraniquement sur Parme dans les splendeurs d’une cour romantique où l’intrigue alimente les passions courtisanes.

 

Renée Faure et Gérard Philipe (© Gallica-BnF)

Légende de la photo : « Emprisonné dans la Tour Farnèse, Fabrice s’éprendra de Clélia, fille du gouverneur de la forteresse. Mais leur amour est impossible et Fabrice connaîtra le cloître… »


Retrouvez plusieurs reportages sur ce long tournage italien : 1, 2, 3 et 4.

 

Illustrations : photos illustrant l’article de Regard du 4 juin 1948 (© Gallica-BnF)

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